Temporalité désenchantée
Histoire n°5
Le soleil se boit dans le ventre de la nuit.
La fission de sa conception se crispe.
La chaleur de son idylle se disgresse
Contre les parois d’une nation.
L’humanité est en péril,
En pleine aliénation du travail.
L’esclavagisme s’accentue à contre…
Yves venait de se réveiller en sursaut de son rêve délirant, dans son lit raide tout transpirant.
Il était précisément 2 heures du matin. Il se leva et se dirigea dans la salle de bain.Son corps et ses bras étaient trempés.
Il avait soif. Il but un verre d’eau demi-potable pour se réhydrater et avala un peu d’essence radioactive.
Devant le miroir rayé, se reflétait son visage crépu et blafard qui laissait place à deux yeux rouges luisants,
avec une partie de sa face robotisée. Contre sa joue était vissé deux plombs de ferraille qui lui fissuraient la gueule en deux morceaux : l’un de chair et l’autre de métal.
Que pensait-il avoir pu comprendre de logique dans l’imagination limitée de la nouvelle composition génétique de son ADN ?
Cela faisait depuis plus d’une semaine qu’il rêvassait d’images poétiques démoniaques qui le perturbaient et le réveillaient instantanément dans une mare de sueur. Les médecins lui avaient pourtant bien expliqué lors de son opération créative
que son corps et son esprit d’avant l’opération génétique, tenteraient de reprendre le dessus sur sa conscience et son énergie vitale. Son corps avait été modifié génétiquement et esthétiquement par du métal et de l’acier, incorporant des cellules bioniques.
Il était devenu humain et à moitié mécanisé depuis peu. Son autre partie humaine manquante avait été retirée et clonée dans un centre spécialisé de la planète Humanité 2150. Les cellules mortes et vivantes de son corps étaient en cours de mutation et le fluide radioactif animant sa partie métallisée fuyait par les boulons de ses pieds. Il ne s’appelait plus Yves,
mais Yves particule 1994-2050 où figurait sa date de naissance initiale avec celle de l’opération créative médicale.
Il se rendormit, pensant à la journée de demain, où celle qui allait bientôt arriver : le travail l’attendait. Yves 1994-2050 n’avait plus mal à son bras droit. La prothèse oblique qui remplaçait son bras était rattachée à des morceaux de tissus en haillon autour des éléments squelettiques articulaires le composant.
En 2049, il découvrit que son corps du côté droit était atteint d’un cancer avec plusieurs tumeurs qui commençaient à le gangrener.
Les médecins lui proposèrent cette opération créative génétique pour le sauver et le réhabiliter dans son emploi en le rendant plus performant grâce à sa moitié robotique et sa modification génétique altérante.
Le réveil du matin arriva et Yves 1994-2050 prit la direction de son travail quotidien.
Célibataire sans enfants, il vivait seul dans la misère affective et sexuelle, et n’avait donc aucune famille à nourrir, ni aucune intention de perpétuer l’espèce en mettant au monde une descendance terrienne de l’Humanité 2150. De toute manière, son opération l’avait rendu stérile.
Il œuvrait au travail en tant que mécanicien ferrailleur dans un garage de fusées spatio-temporelles nouvelle génération.
Depuis plus de trente ans, il réparait avec ces collègues les réacteurs stratosphériques de fusées spatio-temporelles.
Les fusées spatio-temporelles étaient des machines de type cybernétique qui permettaient de circuler librement dans le temps
en quelques heures. C’est-à-dire que l’on pouvait se rendre grâce à ces appareils aux moteurs thermo-nucléaires,
à la vitesse de quelques années-lumière en seulement 2 h dans le futur, où redescendre dans le passé pour laver le cerveau du citoyen banal.
« Le passé n’existe pas, nous vivons dans le futur », était ce que sont chef de service lui avait toujours enseigné lors de ses formations de compétences.
Yves 1994-2050 commença sont travail dès 6 h du matin. Ses tâches à effectuer étaient enregistrées dans les bases de données de l’intelligence artificielle de son entreprise de recrutement. Elles étaient transmises par ondes algorithmiques dans la partie mécanisée et refait de son cerveau.
« Mon cher Yves, bienvenue dans votre garage téléportatif. Grâce à vos compétences, nous pourrons voyager vers d’autres simulacres de réalités amplifiées. »
Son collègue Johnny Briton venait de lui indiquer la marche à suivre en lui souhaitant la bienvenue.
« Mon cher Johnny » répliqua-t-il d’un air narquois.
« Nous devons être au garde à vous pour opérer les réparations nécessaires sur l’engin W-25 » lui dit Johnny.
« Comment pouvez-vous être sûr que l’engin W-25 mérite d’être réparé au niveau de son aile gauche ? Je pense qu’il suffirait qu’on allume une chandelle sur la partie de masse atomique de la fusée pour bruler ses désagréments techniques. Qu’en pensez-vous ? »
Johnny hocha la tête.
« Nous devrions être recommandés par le sergent mécano Orvath. Qu’en pensez-vous ?
Il nous aiderait dans son domaine de qualification à y voir plus de lucidité. »
Ils se dirigèrent vers une partie exiguë de l’atelier, au centre du poste de commande aéronautique
où siégée une masse d’outils d’appoint.
« Sergent Orvath, nous avons besoin de votre aide pour une expertise radiocommandée sur une échelle de 3.0/4 longitude X-Y
de l’engin W-25 situé en bas du hangar à cockpite ? »
« Bonjour Camarade, que dites-vous là ? J’ai vérifié cet engin avant-hier, déjà ! » s’écria-t-il.
« C’est que nous avons émis l’hypothèse que W-25 n’était pas en mesure de décoller ce soir
pour effectuer un vol spatial de 30 années-lumières au Sud de Pluton, avec le général Albanitos »
Le sergent Orvath d’un air décidé s’en alla dans son établi.
Il en ressortit avec une lourde clefs 37 en métal, qu’il tenait avec ses deux mains,
et se dirigea en direction de l’engin W-25.
« Johnny, viens m’aider à porter cette clef si épaisse… »
« A vos ordres sergent »
Yves 1994-2050 les suivit à petits pas mécanisés. Ils étaient tous très anxieux à l’idée de réparer cet engin. A la moindre erreur de manipulation sur le réacteur spatio-temporel du moteur pouvait créer une catastrophe fatidique.
C’était de la pure chance s’ils arrivaient à résoudre le problème. Il y a maintenant une dizaine d’années, un engin similaire s’était volatilisé dans l’espace-temps quantique lors d’une mauvaise manipulation de la turbine. On ne l’avait jamais retrouvé.
L’essence radioactive d’Yves 1994-2050 commençait à manquer. Il dut aller chercher un nouveau bidon à ingurgiter dans son corps pour lui redonner de l’énergie vitale.
L’engin W-25 attendait toujours sa drôle de réparation ubuesque et le général Albanitos ne tarderait pas à venir avec son régiment.
Les trois hommes commencèrent par dévisser le courroies de son aile gauche…
Humanité 2150, la planète où se passe notre histoire actuelle, allait pouvoir affronter son présent en offrant à l’une de ses fusées l’opportunité de contrôler la partie endommagée de son appareillage par son équipe technique. Le voyage temporel, notamment dans le passé non-autorisé où le future pouvait et devait être rétabli avant la mission du général Albanitos. Les appareils, comme les individus avaient besoin de réparations eux aussi : ce qui les troublait étaient des éléments encrés dans le passé discordant,
où l’avenir qui endommageait et bloquait le présent dans l’instantanéité temporelle.
« On a trouvé une faille » crièrent-ils dans l’action de leur annotable besogne rebutante à achever. Ils tirèrent une forme d’hexagramme en ferraille coincée dans l’habitacle de l’aile gauche, qui se désarçonnait en mille morceaux sur le sol.
« Il fallait donc y réfléchir plus tôt. Nous avons là la solution à notre problème temporel. N’est-ce pas aussi simple de retrouver cette charpie, bande d’incapable ? »
Le sergent Orvath parlait en direction de ses deux acolytes.
« Maintenant allez me ranger et nettoyer l’engin W-25 avant que notre général arrive pour sa mission… »
« A vos ordres, sergent ».
Johnny et Yves 1994-2050 redescendirent sans difficultés.
Le général Albanitos arriva en combinaison bionique en début de soirée, escorté par son régiment de cyborgs.
Le protocole de sa mission était clair : personne ne devait monter à bord mis à part lui et son groupuscule de cyborgs.
Ils devaient partir explorer l’avenir à 30 années-lumière de notre galaxie, au Sud de Pluton où se trouvait une base secrète à travers les synapses de l’espace-temps.
A posteriori, Yves 1994-2050 avait décidé de modifier le timing de la physique quantique du réacteur spatio-temporel
de la fusée en une infinité de dysfonctionnement irrémédiable du voyage dans l’avenir :
Avec sollicitude, il inscrivait dans le réacteur trois dates interdites en direction du passé non autorisé, 2049, 1994, et 2024
tout en changeant l’orbite en direction de la planète Humanité 2150, ce qui était formellement interdit et déconseillé.
Tour à tour, le régiment et le général prirent place à bord de la fusée. Les ouvriers ouvrirent le portail du garage vide
en préparant le terminal de lancement téléportatif de la fusée. C’était une allée horizontale tracée en direction du ciel stellaire sépulcral suivant un alignement de câbles à propulsion statique.
« Où est passé Yves ?» s’écria l’un des ouvriers analogues.
Il n’y eut pas de réponses mais seulement le bruit de décollage de l’engin.
« Tour de contrôle, êtes-vous prêts à lancer la procédure de décollage spatio-temporel ? »
« Affirmatif Général, nous enclenchons la procédure de lancement dans l’espace-temps, de l’engin W-25 »
Les projecteurs de l’atelier éclairaient le cockpit de commande du vaisseau. Il y eu une série de son de propulsion inhabituels
et le monstre indélébile se volatilisa dans les cieux à la vitesse d’une lumière turbulente.
Puis ensuite, il n’y eut plus grand-chose à apercevoir mis à part le vide de l’espace-temps.
Dans le royaume de l’espace-temps quantique, la machine W-25 s’envolait précautionneusement pour explorer d’autres horizons lointains de l’instantanéité temporelle.
Deux individus distincts marchaient dans un petit parc. L’un se nommait Ferdinand particule Y 26 et l’une Nathalie Opérateur M 43. Nous étions une douce matinée de semaine d’hiver 1994 et ces deux personnages entamèrent une conversation de propos intelligibles et occultes :
« Ferdinand particule Y 26, nous ne pouvons envisager une descendance pour notre foyer que par la fécondation chimique et industrielle in vitro car je suis stérile. »
« Nathalie opérateur M 43, cette solution est dangereuse car cela pourrait provoquer des effets indésirables de notre nouveau-né lors de sa vie »
« Il n’y a pas d’autres solutions, si nous voulons que notre famille et notre lignée survivent »
« En effet, notre fils sera condamné à souffrir d’une maladie… »
« Ferdinand, des solutions encore inexplorées par notre science corporelle existent dans le futur pour y remédier et le soigner ! »
« Dans ce cas allons dès demain nous rendre à l’usine de reproduction industrielle près de … »
« Et comment s’appellera-t-il ? »
« Yves, Nathalie. »
Ils se donnèrent la main, en direction de la sortie du parc et rentrèrent dans leurs foyers.
Vers minuit, dans une brume épaisse, réapparut cette fois-ci l’appareil du temps à venir et le général Albanitos
mit pied à terre dans sa nouvelle époque, croyant naïvement être embarqué dans le futur.
Aux premières lueurs du jour, il mit en place des plans d’action pour sa mission gouvernementale et la suite des opérations
devait être programmée sans aucun doute dans cette fausse époque trompeuse.
Il devait récolter et capturer des informations futuristes et secrètes concernant l’avenir de la radioactivité terrestre
en analysant l’évolution de l’énergie nucléaire.
Étant tombé dans une autre direction du temps de l’année 1994, il ne comprenait pas ce qu’il faisait cinquante ans en arrière,
sur la même planète et appela un technicien de maintenance. Yves sortit de sa cachette et répondit à son appel en premier.
« Bonjour Général, je me tiens à votre disposition pour résoudre votre problème. Que se passe-t-il ? »
« Il se passe que nous n’avons point atteint notre objectif ! Mais que nous avons dérivé là où il ne fallait pas arriver
: le passé interdit ! Qui a modifié l’orbite du réacteur ? »
« Je veux un coupable », cria-t-il .
« Et des explications sans plus attendre ! »
« Général, je suppose que cette erreur est naturellement aléatoire. Il n’y a, je pense, aucun coupable sauf que le réacteur spatio-temporel doit dysfonctionner.
«Permettez-vous que j’y jette un œil ? »
« Affirmatif »
Yves retourna dans le vaisseau alors que tout l’équipage commençait à s’inquiéter.
Le passé interdit était dangereux. A la moindre erreur ou impact dans cette époque pouvait avoir de véritables répercussions sur le présent. On pouvait même perdre le contrôle et se retrouver prisonnier des couloirs du temps quantique.
Yves désarçonna le réacteur spatio-temporel en inscrivant une date, celle de 2024, en mentant et en manipulant le général ainsi que l’équipage.
Cependant, à ce même moment, des citoyens policiers de l’année 1994 s’étaient introduits dans le parc pour observer la présence du vaisseau et analyser cet étrange appareil, à leurs yeux, venu d’ailleurs.
Yves et le Général Albanitos les remarquèrent. Il ne fallait point rentrer en contact avec eux sous peine
de modifier durablement leur destinée.
L’équipage remonta dans le vaisseau et se camoufla en fermant les portes. C’est alors que le moteur et le réacteur redémarrèrent pour quitter cette époque.
« A fond les turbines », ordonna le général à l’équipage. « Nous retournons dans notre présent hilarant ! »
Le vaisseaux décolla et disparut.
Le parterre du sol était visqueux. Michel décida de rebrousser chemin suite aux aveux de ce jour du Général Hank. Les « hom’s », humains bioniques génétiquement modifiés pour maintenir la consommation radioactive de l’énergie nucléaire de la révolution d’humanité 2150, barraient les routes par des menaces d’explosifs si on leur désobéissait. Le général Hank avait décidé de garder au stade de primate humanoïde naturel plus de la moitié des Homos sapiens, enfants comme adultes. Ironie du sort, les subterfuges de certains individus à particule humaine étaient vraisemblablement radicaux. Les individus normaux restant, tentaient de fuir, au détriment de leur vie, vers les campagnes dépolluées de cette bonne vieille année 2024 pour se cacher. Michel en faisait partie et tentait par divers moyens de s’échapper de sa cité. La révolution d’humanité 2150 avait pour but de contrôler les individus de cette planète en les catégorisant puis en augmentant la production nucléaire radioactive se situant dans les villes. La moitié des humanoïdes naturels devait devenir des « hom’s » d’ici dix années, et le général Hank était le directeur de cette campagne de transformation sociale et génétique abrupte. Michel prenait les choses à la légère pour survivre et ne pas vivre dans l’angoisse. Le général Hank dictait jour après jour les directives de transformation radioactive à la population des villes d’humanité 2150.
Michel décida de rentrer chez lui pour tenter de s’échapper le lendemain. Il habitait au carrefour de ruelles étroites où se trouvait une place au centre. C’était « la place de l’ellipse ». Elle servait de point de ralliement à l’armée de marionnettes électriques conçue pour faire régner la terreur de la révolution, et aux hom’s pour opérer les sentences disciplinaires du Général Hank. Il y avait aux quatre coins de la ville des cabinets de transformation radioactive pour créer de nouveaux hom’s à la chaîne. Les êtres humains restaient coincés chez eux par peur d’être sélectionnés à leur tour. On venait les chercher de force, compte tenu de la situation dramatique de la société révolutionnaire.
Michel resta planqué chez lui dans sa cuisine avec ses provisions médiocres jusqu’au petit matin. Son allure dégingandée était due à l’angoisse d’être attrapé. Il ne voulait surtout pas devenir un « hom’s » car le nucléaire était sa grande hantise. Il priait « Sarepte », le dieux de l’univers d’humanité 2150 qu’on essayait d’éradiquer de la conscience collective pour que les humains n’aient plus de spiritualité.
Les lueurs du matin sur les ruelles se déployaient et un rayon électromagnétique fit son apparition près de sa fenêtre, caché par la brume hivernale. Il n’y avait pas encore de regroupement sur la place de l’ellipse. Dans le ciel, chantaient les dernières races d’oiseaux, et les nuages carboniques en déplacement éclairaient la rosée du matin, sur les arbres déracinés de la place.
Le matin gris refaisait surface après la chute des rêves indicibles de la nuit, prisonniers des consciences humaines survivantes. Michel avait fait taire la fatigue d’attendre qui le rongeait dans les caprices de son sommeil nerveux. Il scrutait l’horizon éteint par le bruit du silence muet.
L’apparition du rayon s’attristait dans l’atmosphère brumeuse. Une seconde décharge de rayons électriques apparut et alerta Michel, qui crut que cela était l’arrivée d’un appareil de surveillance du gouvernement. Il y eut un moment bruyant de secousse
et apparut l’engin W-25 coincé dans la ruelle de la place.
Michel sortit dehors pour rentrer en contact avec cette chose inexplicable.
Les habitants du vaisseau mirent pied à terre et tombèrent sur Michel.
Il furent stupéfaits de trouver une âme vivante dans cet endroit sinistre.
« Salutation, étranger, comment te prénommes-tu ? Et que fais-tu près de cette place ? Pourrais-tu nous expliquer dans quelle époque nous sommes et quelle est l’année en cours ? »
Michel fut surpris par leurs accents mécanisés sortant de leurs bouches. Ils devaient être originaires d’une autre région du globe. Les cyborgs du général Albanitos sortirent du vaisseau et menacèrent Michel pour qu’il parle instantanément.
« Je vous ordonne de répondre si vous tenez à la vie »
« Nous sommes en novembre 2024 et la révolution nucléaire du Général Hank pourrit la vie des humains : les hom’s sont partout… »
A ce moment-là, Yves sortit du vaisseau et aperçut la scène.
Michel scruta Yves et lui lança un regard apeuré : devant lui se tenait un hom’s sans armes explosives à l’expression gentille, reflétant le résultat de l’opération créative corporelle que tout le monde craignait.
Yves 1994-2050, était composé d’un demi-corps coupé en deux extrémités métallisées et souillées par de l’acier génétiquement modifié.
Les éléments squelettiques articulaires composant le doublage de sa partie robotique étaient brûlés par le passage de l’essence radioactive qui alimentait ses gènes bioniques. L’opération créative n’était évidemment pas positive car cela représentait une ineptie protocolaire par rapport aux solutions et au respect de la nature environnementale de l’homme. Il y avait surtout quelque chose d’exsangue chez Yves qui impressionnait Michel, car la moitié de son sang avait été remplacée lors des séries d’actes barbares de son opération. Il y avait un dysfonctionnement de ses gènes que les médecins du général Hank n’avaient pas réussi à soigner : Humanité 2150 était une planète terrienne où le niveau de carbone de l’aire régularisait toute forme de vie naturelle. L’organisme de Yves n’avait pas assez de carbones et donc ses tissus organiques commençaient à se détériorer lorsqu’il voyageait dans l’espace en dehors d’humanité 2150. Le voyage dans l’espace-temps avait donc endommagé ses muqueuses de l’intérieure de son corps bionique et il commençait à souffrir.
Le général Albanitos rassembla ses cyborgs pour une expédition du quartier en se servant de Michel comme nouveau guide et en le capturant comme otage.
« Étranger, tu seras notre prisonnier jusqu’à nouvel ordre et nous t’emmènerons avec notre escadrille dans le futur pour que tu puisses nous divulguer tout ce que tu connais sur ton époque, les tenants, et les aboutissants de ta situation et de la situation sociétale en cours, de 2024 »
Michel acquiesça : « Si je n’ai pas le choix, je veux bien que vous m’emmeniez avec vous dans un autre lieu loin de cet infâme endroit »
« Ce n’est pas dans un autre lieu que tu iras mais bien au-delà du temps… pauvre étranger »
Michel n’eut pas le temps de comprendre, car le général le menaça de le guider pour une visite du quartier.
Yves resta en arrière, plus occupé à se reposer de ses douleurs intérieures et à récupérer son énergie.
Après cette petite visite autour de la place de l’ellipse, qui n’aboutit à rien mis à part qu’ils ne croisèrent miraculeusement personne et aucun ennemi de Michel. Il y avait seulement un désert et un silence comme si la vie s’était volatilisée à leur venue.
Ils retournèrent à l’engin W-25 où Yves les attendait pour repartir dans les étoiles.
L’équipage tentait de trouver des solutions pour revenir en 2050. La mission ne pouvait avoir lieu et était supprimée par ordre du gouvernement. Il n’y avait plus de mission et le Général Albanitosdevait rentrer dans son époque sain et sauf avec Michel
pour classer les informations du passé interdit top secrètes.
Les appareils comme Yves avaient besoin de réparations : ce qui les endommageait sont des éléments ancrés dans le temps, discordant de l’instantanéité temporelle…
Le voyage temporel devait se terminer.
Le réacteur cracha son venin d’essence radioactive, comme Yves qui vomissait son repas, et en orbite au-dessus du sol, ils allumèrent le réacteur spatio-temporel pour s’envoler de cette époque absurde. Tout marcha par magie et il n’y eut plus d’aventure.
On était à une demi-journée du départ de l’engin W-25. Le portail du garage vide d’où était parti l’appareil semblait intact. Les ouvriers avaient préparé un terrain d’atterrissage pour son retour immédiat. A une exception près, le présent n’était plus le même car il avait été modifié dans les couloirs quantiques du temps, mais ce n’était qu’une question de détail existentiel : une odeur de pachyderme hantait le hangar, car certains résidus de peinture étaient concoctés à base de peau de mammouths extraterrestres chassés en forêts arctiques d’humanité 2150. Les hom’s pouvaient chasser aussi, comme les marionnettes électriques qui tuaient leurs proies : le gibier humain inutile, les rares survivants de l’opération médicale créative de la révolution nucléaire de 2024, dans les campagnes du globe de la planète.
Comment cela avait-il pu se produire ?
Les êtres humains de l’an 2050 étaient devenus des robots et, malgré tout, il n’y avait plus d’humanité.
Lors du retour de W-25, la moitié de l’équipage était morte dans d’affreuses circonstances : on avait retrouvé leurs cadavres en salle de réunion tous déchiquetés par Yves particule 1994-2050. Seul le Général et les cyborgs complices de ce massacre étaient restés vivants. Michel était emprisonné dans le vaisseaux car Yves était devenu un vrai hom’s à son tour, une machine de guerre : sa transformation s’était déroulée durant le retour et ses pulsions destructrices avaient fait surface. Il n’avait plus d’humanité ni de conscience humaine. Michel restait le dernier survivant de sa race humaine. Il pensait à une réflexion philosophique qu’il avait étudiée durant ses formations clandestines : « Toute vérité passe par trois étapes, d’abord elle est ridiculisée, ensuite elle est violemment combattue et enfin elle est acceptée comme une évidence ».
C’était une évidence que Michel, bloqué en 2050, ne reverrait pas la campagne de 2024.
C’est une évidence que le futur, son futur, avait était modifié.
C’est une évidence que la mort l’attend.
C’est une évidence que Yves n’était plus humain et condamné dès sa naissance en 1994.
Les robots et humains altérés par les gènes bioniques,
Veillent à pervertir ensemble le système d’humanité dystopique.
La vérité est parfois plus sombre que la douleur,
Le passé n’est que la vérité du malheur.
Au-delà de notre conscience,
Peux, ont le souvenir,
De l’humaine espérance,
Qui s’apprête à périr…
© Geoffroy Korn Le Bars. Tous droits réservés. Cette histoire ne peut être reproduite, distribuée, ou utilisée de quelque manière que ce soit sans l’autorisation écrite de l’auteur.