Le cauchemar imaginaire

Histoire 1

Décembre, en cette veille de Noël, nous nous étions réfugiés dans une exilée solitude suprême loin du tumulte révolutionnaire anarchique des villes, dans une ample demeure campagnarde à l’apparence archaïque, se trouvant au fin fond de la forêt.                  Ainsi, on était déterminé à y rester cloitré jusqu’à maintes reprises, baignant dans les profondeurs de notre troublante inspiration.                      

Assis devant la cheminée dans cette nuit obscure, nous entendîmes l’écho d’une cloche sonner le glas de minuit.
Dans cette ambiance au caractère sinistre, assis près de mon chevalet,
nous tentions de dresser quelques vers sur l’étendue claire du papier.

Nous entendions dehors la brise du vent hurlant d’une sourde froideur glaciale, pendant que, d’une solide fantaisie névrotique, nous implorions les mots, idées et autres aguichantes images maléfiques de s’éprendre de nos pensées, en désirant fortement basculer vers l’évasion infinie.  

                     

C’est de ce fait que, par une étrange et séduisante impression soudaine, nous réussîmes enfin à capter par pur hasard quelques soupçons de murmures en cette voie nocturne, mais aussi divers sentiments d’infortunes, qui vinrent nous éclairer en alimentant abondamment notre vision appauvrie.
Dès lors, apparut dans les flammes ardentes de la funèbre cheminée rocheuse, située à quelques mètres de ma maigre et naïve personne, une venimeuse bête d’hiver d’un esprit endiablé aux folies meurtrières, à la forme inénarrable, comptant parmi les plus infâmes créatures de l’imagination humaine. Cette chose était petite, et n’était composée d’aucune patte.
Elle était nettement constituée d’une courte tête malicieuse, avec des oreilles pointues.
Son nez était crochu, et sa peau d’un rouge sombre et éclatant à la fois.
D’autre part, elle possédait un grand cou et une étonnante envergure.
Cette créature monstrueuse, d’un ton morgue, lança en ma direction un profond regard démoniaque et s’exclama d’un ton ferme : « N’ayez pas peur, mon bel homme, mon maître Satan le tout-puissant m’envoie généreusement vous aider dans votre misérable poésie », me dit-elle d’une voie toute assoiffée de perversité et de tendresse à la fois.
C’est alors qu’aussitôt elle ouvrit grandement son écoeurante bouche en écartant bien ses lèvres ridées, et elle reprit cette fois-ci d’un ton sec et meurtri :


« Oh que non, les déplorables choses affligeantes sont parfois bien bizarres à redire ou à soumettre aux mortels…
Les sens de votre monde n’ont en vérité point de fins tracées dans ce trou de mensonge isolé…
Les pièges se dressent et se referment machinalement jour après jour sur vos crédules et basses personnes fragiles.
Et toi, jeune homme, tu seras le premier et le dernier à entendre les paroles de ton père Lucifer.
Écoute, écoute ce que j’ai à te dire, charogne.
Écoutez, écoutez le vrai visage de la simple et dérangeante vérité.
Écoute, écoute, écoute attentivement ce que signifie écouter dans votre réalité…


Ta morne expérience débutera loin où commence la longue et pénible fin de tes connaissances,
Car lorsque toutes évidences logiques dépassent les règles du présage en souffrant le martyr,
En premier lieu d’une déchirante rupture lamentable du miséreux temps lent qui passe,
L’objectivité remplacera, d’une part, la subjectivité de la décision du sage en cruels désirs.


Là où coule la rivière du chagrin, ta miteuse sincérité flottera à la surface de la vive dérision.
Puis, pendant que le chemin de la contemplation te mènera à la salle du châtiment suprême,
Tu pourras aigrement t’empiffrer de connaissances juteuses dans les prairies de la lamentation,

Tandis que la torride fournaise embrasée de l’horrible haine ravageuse te rendra victime.


L’appétit scandaleux d’un ténébreux sortilège provoquera un immense éclat de tempête sur ta vie.

Or, crois-moi, si tu aimes mon ami, pense-tu que ton désir sera capable de plaire aux défauts du mal indélicat ?
Les luisantes lumières divinatoires de la démence te feront basculer vers un vif traumatisme de folie,

Pour réparer le côté âpre des choses imprécises qui ont longtemps été douloureusement digérées par le terrifiant trépas.                          

La maladie due à l’existence terrienne te métamorphosera durement à l’intérieur de l’indiscernable néant,
Vers le fond d’une geôle, en te clouant face contre les piques pointues d’un dragon agité,                                                                          De même qu’une colombe mordue par le corbeau, lors d’une misérable matinée d’hiver au vide contenant,
Si bien que l’aiguille affinée de la souffrance te transpercera de sa froide lame aiguisée.


Tout cela entraînera brutalement un long et irraisonné dérèglement de toutes tes sensations.

L’itinéraire du fêlé tracera ton chaotique destin inébranlable, à travers l’agonie d’une récente mésaventure,
Dont je rangerai dans le dossier de tes rêves à l’intérieur du vieux placard de l’imagination,                                                                      Où le stockage de tes pénibles remords aura presque disparu pleinement lors d’une suffocante blessure.

                                                 

Les contrariantes injures inonderont le sol de tes frêles pensées telles qu’un volcan en éruption.

Mais encore, un caillou de mélancolie bouchera les veines de ton cœur ensanglanté battant avec apothéose.

Enfin, d’une fulgurante suite, un incendie se déclarera dans la demeure de ta déferlante passion,

Quand une imposante vague infectée de névrose te couvrira a beaucoup en détail d’une splendide psychose.

 

Le confident de tes fantasmes nommera à son tour un manipulateur te scrutant dans l’épaisse obscurité,

Puisque l’esprit maléfique de la farce en a déchiré les parois de ton existence abasourdie,                                                                    Proche du souffle des profondeurs de l’univers, qui se réveillera pour t’engloutir sans aucune fâcheuse pitié.
C’est pourquoi la fusion du sens et de l’absurdité créera le vide pénétrant de ta tragédie.


Dans une ambiguïté totale, tu te disperseras en découvrant les récifs de l’impénétrable des rêves,

Tout en brisant l’insidieuse rhétorique, tout en frissonnant de désir et délire.

Masquant la réalité, tu pénétreras les sentiers de la mort du déréglé et fiévreux courant en dérive,                                                         Vu que la décadence humaine te fouettera avec une rage de rire et de plaisir.


Le résultat débouchera dans des marées de larmes lorsqu’une vive similitude aura effacé ta nature.

Et arrêté de faire de toi ce que tu n’es pas, à condition d’entrevoir la vilaine face cachée de ton éthique,
Si bien que les désastreuses catastrophes diaboliques irriteront les conditions de ta disetteuse créature.
Entre-temps, Satan brisera tes limites pour engendrer un nouveau calamiteux système neurasthénique.                                                                                        

Surtout, prends garde aux grossiers contrecoups qui adviendront après la levée de l’opprimante pluie.

A cette fin, les veilles valeurs de votre sale société barbare alarmeront les squelettes de ton vieil ennemi.
Que plus tard les sévères dégradations engendreront la domination d’une atroce disposition de survie,
Au point que se déchire déjà aigrement la blancheur écarlate des feuilles de ta vie indécente, déjà affaiblie.


L’affliction t’envahira, et je verserai dans ton cœur le nectar d’une douleur amère d’abominable damnation,
Étant donné que l’hallucination dévastatrice ne permettra que de t’enfoncer dans l’ombre de l’inconnu.
En dépit que, sans aucune prétention, dans l’extrémité où ta folie peut servir de réelle source de malédiction.
Mais aussi sans nulle explication, tu rompras farouchement avec la réelle perception de ta propre vue.


La déplorable catastrophe du sort déchirant en lambeaux les paroles muettes d’un gigantesque empire,
Réveillera les souvenirs d’hiver d’un soupir endiablé d’une aliénation meurtrière aux lourds objets et présences imposantes, 

Où les ondes embrouillées du dégoût pénètreront sans aucun doute la délectable jouvence de tes souvenirs,
Bien que la lumière se meure dans la pénombre de l’énigme, qui t’entoure d’un ciel sombre chantant le soupir d’une tourmente. 


L’astre du préjudiciable jour s’engouffrera dans les parois de tes organes pourris par la répugnance d’un individu,
Et on ouïra le rire perçant de la hyène avec le hurlement du babouin humain, traversant une nuée de dénigrantes causes,
En engendrant le mécanisme d’une colère ombrageuse à l’aspect et aux caractéristiques autrefois méconnus.
Dès lors, un saltimbanque inédit surgira de ta source intérieure et produira de multiples conséquences désastreuses.


L’ignorant pilote au bruyant moteur d’une opulente machine acariâtre se réveillera,
Sous l’effet des fragments d’une certitude fuyant l’air de la durée, et de la bêtise brisant les mailles des filets de la raison.
La cruche de l’incohérence se brisera puis le parfum hypnotique de l’abandon t’intoxiquera,

Tels que jailliront de la fontaine de vos sanglots, dans l’abîme et cavité utopique, les ondes nettes d’un pur danger vagabond. 

                                                                     

Un passage impénétrable te mènera jusqu’à la voûte des astres étincelants du malencontreux mélodrame.                                             Des flots si vastes d’éloquence, éclairés par le phare de ton malaise, te rongeront d’écrasante culpabilité.

Bientôt, devant cet endroit lugubre, tu auditionneras les cris du désespoir enrobé d’épaisses flammes.

Oh, malheureux ! Celui qui osera te réveiller de ton impénétrable cauchemar en brûlant tes liens tellement serrés.                                                                              

Au-delà d’une brumeuse forêt hilarante de sottises, après avoir passé le virage de la surprise à l’horizon,
Tu te régaleras du fruit sucré des entrailles du seigneur sacré, accablé de multiples réflexions endiablées.
Les détails les plus cachés, des termes les plus compliqués vogueront sur ce interminable fleuve de questions,
Quoique l’ininterrompu courant semblera tragiquement te mener vers une pénible et coriace vérité tiraillée.                                                                                    

Tes bonnes paroles embelliront le ciel de ta piteuse idéologie, par la terreur de ton hideuse lâcheté.
Les fleurs noires des champs de l’oubli pousseront vers les infranchissables montagnes de l’infini.
Avec une marche interrompue, le maître de ta vie te flairera en œuvrant vers l’opposé de ta destinée.
Sous une couleur indescriptible, il peindra l’atmosphère de ton regrettable vécu sans le moindre répit.


Pénétrant au sein du mystère, les anges gris du chagrin te lanceront des flèches d’étourdissement.
Une intolérable justice exceptionnelle te jugera par le démon du châtiment lors de ton jour au tribunal infernal.
En dessous d’un tourbillon fatal, tu entendras le fort rugissement d’une divine bonté d’internement,
Qui sans cesse t’emprisonnera, là où tout espoir diminuera, tandis que ta liberté sera submergée par le mal.                                                                                                                                                                

De longs ruisseaux de sang couleront en direction du supplice de ta mort,
La torride fournaise de l’horreur éternelle collera les pièces abandonnées des ténèbres.
Tandis que la sourde compagnie des sages s’alliera aux messagers de l’enfer,
De crainte qu’une lueur d’ignobles paroles et de blâmes te vienne en nombre. 

   

Tu seras l’esclave d’un corps subissant la rudesse des naufrages,                                                                                                             Alors que dans une ignoble sépulture, les maux du monde t’engraisseront.
Tes impressions seront brouillées de déstabilisants cafouillages,
Pendant que les forces naturelles se soulèveront contre leurs bourreaux et se vengeront.  


Le sol visqueux tremblera, et les morts ressusciteront à travers les vivants de ta constellation,                                                              Pour que le pouvoir de la lutte du bien contre le mal disparaisse au-delà du dehors.                                                                                  De cette alliance naîtra une certaine conscience, ancrée dans ton existence : la confusion,                                                             C’est-à-dire, la plus alléchante des vertus qui puisse s’emparer de ton fragile corps .                                                                                                            

L’âme de l’esprit conceptuel du monde sera bafouée et privilégiée au profit d’hideuses monstruosités.                                                  Le souffle poussiéreux du vieillard et le discours visionnaire du prophète t’accableront de lourds pouvoirs,                                        D’autant que le voile de la promesse s’envolera pour disparaître dans les catacombes des chétifs êtres violés.                                Alors que de ton cœur jaillira le flot d’une rivière noire, et tu échoueras dans le compartiment du désespoir.      


Le chemin du crime t’emmènera dans un drôle de paradis, face aux nausées empestées de la mort,

Où souvent, à l’intérieur de ton cercueil, tes funestes sentiments criminels te tortureront.

Contre les tambours de l’amour, retiendront l’acuité resplendissante de l’injuste et insupportable sort,                                                  Faute de n’être que l’enfant d’une vie aux rêves oubliés, attraits, vœux, et intérêts honteux.   


Les morsures du feu t’empêcheront de t’échapper, en t’inhumant dans d’opaques vallées, 

Et le bitume aride du désert sablé se mêlera au venin du perfide cobra.                                                                                                            Le chant des loups bercera l’agneau, dompté par l’arme du silence qui te dévisage avec atrocité.

A l’inverse de la providence malveillante de l’éclair des cieux qui te ravagera.


Respirant la luxure, le fantasme de tes rêves apparaîtra de mille fois plus intense lors du légitime soir.
Le sablier du temps t’expédiera au-delà des frontières de la nuit, vers la punition totale du gâchis,                                                        Vers le seuil béant, en t’orientant dans la dangereuse chambre où repose l’orgueil de l’ample savoir,                                                      L’un de tes rêves stériles repoussera la nébulosité du malheur en crachant un hurlement de cris.


Celui qui s’endormira dans le royaume de tes songes ne se réveillera pas, mais restera cloué au glutineux sol,                                Même si, au-delà du monde, l’ouragan des ténèbres, au milieu des tonnerres, te crispe de frayeur.                                                  Néanmoins, tu sentiras ses épouvantables pensées se détacher de ta cervelle divagante, en jouissant d’un air frivole,                          A moins que la vérité ne se mêle avec une densité latente dans un déluge de mensonges et de terreur.                                                                                  

De la sorte que la fusion de la lumière et de l’obscurité, dans une autre dimension, se flairera,                                                                      Ainsi que le guide de l’erreur impardonnable te mènera au lieu de ta faute, dans la crypte des secrets cachés,                                        Dans laquelle le parti des contraintes t’emmurera dans les vieux quartiers de l’embarras,                                                                      Derrière le scandale des doctrines de la race humaine, où tu ne bénéficieras d’aucun ridicule pitié.


Avant tout, le règlement de ta vie sera détruit dans l’inévitable apocalypse future, hors des surfaces de la terre,

Au cas où le bien et le mal seraient confondus, et la sensibilité humaine réduite en amas de poussière.                                                Alors, jeune et bel homme, acceptes-tu véritablement ces divines offrandes et ces charmants vers,                                                    Que m’envoie de loin, pour te les donner aimablement, sa si généreuse et probe majesté, notre père, le sublime Lucifer ? »

« Sachez que je ne peux vraiment pas accepter cela,                                                                                                                                        car ce serait pour toujours, et à jamais renoncer à l’au-delà »


Lui rétorqua, avec une terne frayeur craintive.

« Ah, pauvre mortel ! », s’exclama le démon.                                                                                                                                                          « Reste dans ton indigent système,

Moi, je m’en vais retourner au-delà des radieuses galeries de l’enfer, pour l’éternité. »


Alors le démon, disciple de mes rêves les plus tourmentés, se volatilisa dans l’obscurité de la nuit,                                                        Tel un grain de poussière, disparaissant en dehors, dans les airs,                                                                                                                      Et depuis cette fameuse nuit d’hiver, jamais plus je ne le revis.

© Geoffroy Korn Le Bars. Tous droits réservés. Cette histoire ne peut être reproduite, distribuée, ou utilisée de quelque manière que ce soit sans l’autorisation écrite de l’auteur.