Le complot

Histoire n°2

« La peur nourrit l’imagination » , Joseph Joubert.

 

« Le bien et le mal ne sont pas des grandeurs parfaitement opposées l’une à l’autre ; le bien souvent accouche du mal et la capacité de voir le mal en face est ce qui nous ouvre la capacité d’un bien relatif » , André Glucksmann.

 

Jason n’avait pas terminé de tracer sa route quand il prit la direction du chemin de la gare.
La gare se trouvait à mi-chemin entre la ville et sa banlieue monotone.         

La veille horloge de l’hôtel de ville venait de sonner : il était 22 h et il commençait à se faire tard dans cette triste ville. La nuit était sombre telle un manteau opaque. Elle était d’une obscurité éclatante et morbide, ce genre d’obscurité qui lui faisait perdre la raison dans ses pensées et cauchemars.

Nous étions en novembre et il faisait encore assez chaud.                               

Jason se rappelait des hivers qu’il avait passés dans son enfance. Il s’en souvenait très bien et ne comprenait pas cette absurdité. L’hiver approchait et une chaleur accablante se faisait sentir. Il transpirait à grandes gouttes de sueur et cela l’angoissait.

Nous étions en 2075 et l’air de l’atmosphère que respirait Jason le faisait tousser quelquefois.                       

Malgré tout, cela faisait dix ans qu’il avait arrêté de fumer car il n’en avait plus les moyens, en plus de son asthme, et en raison de son maigre salaire d’employé libre-service qui lui suffisait à peine à payer son loyer dans un immeuble de la banlieue ouest de la capitale. Il était frustré de vivre car il était seul, isolé et n’avait plus vraiment de contact avec sa famille. Ses parents ne communiquaient plus avec lui.

 

Il arrive près d’une route et la traversa, alors que soudain, un automobiliste passa à vive allure à quelques centimètres de lui sens s’arrêter.

– « Quel enfoiré ! » s’écria Jason.

Il se demandait pourquoi la plupart des conducteurs roulaient de plus en plus vite. Il se rappelle que la vitesse avait augmenté ces dernières années en raison de l’utilisation de l’intelligence artificielle avec la robotisation des véhicules, comme le rythme du travail.

On était passé de 35 à 45 heures, puis à 50 heures par semaine, et le salaire n’avait pas augmenté, depuis plus de 20 ans. Le gouvernement ne tient plus compte de la précarité de ses citoyens. Pour faute, de plus en plus de sans-abris peuplaient les rues. Jason avait peur de s’y retrouver lui aussi, et les centres d’aide sociale se faisaient de plus en plus rares.

Il avait toujours mis de côté des économies de réserve mais ces derniers mois avaient été assez durs financièrement et son compte en banque commençait à manquer. Il avait dû faire face à la hausse de son loyer par les membres des régimes sociaux, RAS, les républicains anarchiques du système , mais il savait que cette désignation était fausse : le gouvernement n’avait plus de président depuis 2048.

En effet, un régime totalitaire avait pris le pouvoir et le contrôle économique de la capitale dans la terre. Le pays s’était divisé en différentes provinces indépendantes. Les frontières étaient fermées et on ne savait pas grand-chose sur le reste du monde.                                             

Il y avait dans la capitale et dans le Nord-Est un régime supprimant l’état de droit, gouverné par une organisation de cités, un système de surveillance généralisé de l’individu et des milices gouvernementales ; tandis que le reste du pays était devenu anarchique.

On ne parlait plus du monde extérieur et il n’y avait plus de nouvelles.

Depuis que les médias avaient disparu, mis à part la propagande de masse nationale, ce monde avait sombré dans l’obscurité abyssale de l’information et ce que l’on avait nommé internet, jadis, n’existait peut-être pratiquement plus.

Internet était régi et ordonné par le contrôle d’une intelligence artificielle qui la contenait pour son extinction.                                                           

Ce qui en résultatait, c’est qu’on murmurait par bouche à oreille, dans le secret, ce qui se passait au-delà des frontières. 

Internet s’était effondré chaotiquement dans les années 40 à cause d’une cyberguerre planétaire dévastatrice. 

C’était une intelligence artificielle mise au point par une coalition de régimes nommés : Rebecca , qui avait été chargée de détruire internet au fur et à mesure des années en effaçant toutes ses données, mais on ne savait plus très bien si cela était terminé.

 

Jason continue à marcher, chantant à ce qu’il allait pouvoir déguster ce soir. Il était 22h 30 et la journée de travail l’avait épuisée. Il se souvint du goût nostalgique de la viande et du poisson frais. Hélas, il se demandait s’il en mangerait encore un jour.                                              

Il commença à pleurer et Jason courut se réfugier à un vieil arrêt de bus abandonné dans l’obscurité de la nuit. Il se dépêcha et tomba sur une affiche en papier à l’intérieure de l’arrêt « stop ».

Il y avait écrit dessus cette phrase : «  Pour l’ordre, la sécurité, et la survie de la race, prônez l’obéissance  ». Cette affiche datait de quelques années et ses couleurs commençaient à se décolorer. On ne pouvait pas savoir vraiment de quelles années précises cela datait. Il y avait été tagué rapidement en noir : «  Société aliénante  ».

                                                                                         

Jason, fatigué, s’assit sur le banc. Il désirait attendre que la pluie, humide malgré la chaleur, cesse de tomber. Il entendait le son de la pluie et il était seul dans le noir. Il n’y avait plus de lumière à cette heure-là.

La commune du district de la ville ne possédait pas vraiment de lampadaires, seulement quelques-uns qui éclairaient les grandes routes. Cela permettait de forcer le peuple à rester obligatoirement chez lui. Telles en étaient les applications du régime de la capitale.

La pluie se faisait de plus en plus violente et des orages grondaient dans le ciel de novembre.

Il aperçut au loin quelques automobiles passées et une personne vint s’abriter contre l’arrêt à ses côtés.

– « Auriez-vous du feu, s’il vous plait ? » exigea-t-il.  

– « Non, désolé, je n’en ai pas et je ne fume plus », s’exclama Jason.

La personne était un garçon d’une quarantaine d’années, les chaussures trouées et un pantalon taché. On aurait dit un sans-abri qui ne savait plus où aller. Le monsieur ne répondit pas et s’assit à quelques mètres de Jason.

La pluie tapait toujours autant.

 – « Eh bien, dis donc, quel temps de chien… » lance Jason. « Nous sommes bien en novembre. »

Le monsieur l’écouta mais ne répondit pas. Jason se sentait seul. Il est vrai qu’il parlait rarement aux gens, mis à part dans son travail au supermarché de la ville.                          

Ancien hippie, il avait peu d’amis. Ses liens sociaux, et les liens sociaux du peuple s’étaient appauvris. Les gens avaient peur, étaient tristes et de plus en plus individualistes pour survivre dans la terreur.

Les écrans de propagande et la robotisation du système avaient refroidi les liens sociaux. On ne pouvait plus se rassembler. Les gens ne parlaient plus que par messages cryptés, lettres, et écoutaient de la musique électronique pour décompresser leurs neurones du stress ambiant, de la pollution atmosphérique, et du système d’oppression gouvernementale violente.

Jason se souvint de son enfance en soupirant dans les années 2040 et 50, ses plus heureuses années où la mélancolie et le marasme de la vie n’étaient pas encore si lourds.

Jason avait un tempérament plutôt timide, solitaire, sensible et nerveux.                                

Il aimait lire les livres autorisés par le régime, dessiner en cachette dans son studio, se promener quand la police, les robots tueurs et le couvre-feu le permettaient. Il aimait le paysage de la forêt et allait s’y aventurier quand il avait le temps malgré la surcharge de travail.   

Jason était célibataire ; il avait 35 ans mais en paraissait 40 physiquement. Son travail l’avait diminué, vieillissait prématurément et éteint son souffle de vie. Son élan vital était faible.

Et voilà qu’il songeait déjà en se disant : « la vie n’a pas de sens dans ce monde, ce n’est qu’une maladie sexuellement transmissible, et malgré tout je continue à survivre ».

Il souffrait comme la plupart des citoyens de dépression et d’un mal être existentiel chronique qui le rongeait psychiquement et sentimentalement. Il déclare regretter d’exister mais redouter le suicide auquel il avait déjà songé, redoutant la souffrance et la mort. Le monde violent et la société l’oppressaient et cela le rendait solitaire.

En effet, les gens sensibles étaient très mal adaptés au régime, et se développaient dans certains cas de pathologies psychiatriques provoquées en premier lieu par leur grande sensibilité, ce qui les rendait fragiles mentalement, incompris, rejetés et stigmatisés par leurs différences, comme les homosexuels et les sans-abris.

Sur les traits d’aliénés, d’handicapés, d’assistés, de fous, de fainéants ou encore de faibles. Le système avait déjà menacé d’épurer la population en supprimant les faibles, par une purge, contre les « parasites » comme il les nommait, ceux qui osaient penser différemment. L’idéologie du système était vulgarisée par certaines personnes comme cette expression rageuse « marche ou crève ».

L’hypocrisie et la lâcheté se cachaient derrière la conscience du totalitarisme de masse. Les gens se dénonçaient entre eux.

Jason ne pouvait rien y faire mis à part accepter la norme, une race prédominante de travailleurs, qui régnait dans la capitale, et qui rétorquer « l’ultra compétence, l’ultra performance de nos citoyens, c’est la survie de la race ».

Dès qu’une milice répérait un « faible » elle venait l’agresser pour lui faire comprendre le goût de la violence, de l’injustice, de la cruauté de la vie et lui permettre d’évoluer. On appelait les miliciens « les purificateurs ».

 

La famille de Jason était aussi issue de la capitale. Ses parents avaient émigré avant 2048 et la montée du totalitarisme du pays, à la capitale pour trouver par obligation du travail en raison de la crise mondiale et nationale des années 40. Ce fut dans les années 40 que tout bascula politiquement.                                                                                                                   

Une crise économique et sociale sans précédent avait fait surface, provoquant des coups d’État et des soulèvements contre le régime un peu partout dans le monde géographique.

La dictature avait divisé l’ordre mondial en discorde et n’avait été qu’une solution efficace pour contenir et rétablir l’ordre.

Malgré tout, ses parents habitaient près de la capitale, et avaient chassé Jason du haut de ses 24 ans car il refusait de travailler et n’appréciait pas le système de la capitale et du Nord-Est. Pour lui, perdre son temps était un moyen de le gagner.

Son rêve, si naïf soit-il, était d’aller vivre au bord de la mer dans l’Ouest, dans une structure et république anarchique où, d’après ce que l’on murmurait, les gens parvenaient en autosuffisance loin de la dictature.                                                                                            

Mais le régime avait coupé tout contact avec l’Ouest. Jason soupçonnait d’être suspecté, surveillé et d’énoncé par sa famille. Il vivait dans l’angoisse, la peur, la paranoïa et souffrait de sa situation plus que tout.

 

La pluie commençait à disparaitre. L’homme avait également disparu mystérieusement et Jason ne le vit pas partir.

Jason a décidé de reprendre son chemin en marchant instantanément. Il a commencé à se faire tard. Il marche pendant quinze minutes et arrive à la gare.

A cette heure-là, il y avait peu de monde, en raison du couvre-feu ; c’étaient les derniers trains qui circulaient. Il vit passer devant lui un robot patrouilleur, aussi appelé robot « tueur » car il pourrait être dangereux et menaçant si notre comportement devenait suspect.

Ces robots avaient été conçus par le régime pour économiser les forces de police, renforcer son arsenal, et augmenter la sécurité. Depuis que les robots existaient, la criminalité avait diminué, mais la terreur dans la population s’était intensifiée. On ne pouvait plus vivre normalement.

 

Jason a pénétré dans la gare au Nord-Ouest de la ville.

Il était affiché sur le tableau que le train arriverait d’ici cinq minutes. Jason venait d’arriver à temps. Le train était un TER, un vieux train des années 10.

Le régime avait gardé ces trains pour ne pas user leurs finances au ministère de la pauvreté.

Une fois que le TER entre en gare, Jason prend place à bord, enfin satisfait d’y être.

Le robot patrouilleur menaçant repassa derrière lui et parla en direction du train d’un ton froid et grinçant : « Rentrez chez vous, il se fait tard ! » 

C’était une imposante machine d’1 mètre 60 de hauteur, qui marchait rythmé comme un soldat sur deux pattes, entièrement faite en acier métallique avec un buste, des bras et une tête de couleur grise. Ils portaient chacun des noms de code uniques.

Ils étaient équipés de microprocesseurs qui leur permettaient d’analyser chaque individu dans sa globalité. 

Les individus de ce régime étaient reconnaissables car on leur avait injecté à leur naissance une puce électronique informatisée dans leurs systèmes sanguins. Ces implants permettaient au gouvernement de garder la traçabilité et le contrôle total de chaque citoyen répertorié dans le système de surveillance généralisé du régime et grâce aux compétences de l’intelligence artificielle « Rebecca », celle qui était en charge d’éliminer internet.

Le train, avec son bruit grinçant, partit et Jason attendit le prochain arrêt pour descendre, c’était l’arrêt « Abîme-district ».

Il habitait un petit studio d’une vingtaine de mètres carrés à « Abîme-district », dans une résidence calme et reculée du centre-ville. Il avait choisi ce logement social pour son prix simple et correcte, mais ces derniers temps, l’immobilier ne cessait de grimper et Jason s’inquiétait.

Il longea les rues de la petite ville endormie en silence car il était 23 h 30 et arriva au pied de son immeuble. 

 Il ouvrit la porte du hall. Il y avait toujours cette odeurs d’œufs pourris à l’entrée qui le dérangeait. Il habitait au quatrième étages et il n’y avait pas d’ascenseur car cela était trop onéreux.

C’était un immeuble de style moderne construit dans les années 2060 mais qui commençait à se délabrer.

Arrivé à sa porte, il prit le courrier sur le plancher, l’ouvrit et pénétra dans la pièce. Il alluma la lumière. Sa chambre était en désordre ; il avait oublié de la ranger la veille. Son studio était constitué d’un lit, d’une table, d’une armoire, d’une étagère pour ses couverts et d’un coffre pour y poser ses vêtements.

Une petite salle de bain était placée au fond. Il y avait une fenêtre qui donnait sur la cour de l’immeuble. Jason s’allongea sur son lit et s’endormit directement sans manger tellement il était épuisé.

A son réveil, Jason fut ébloui par le soleil. Il prit la pilule du bonheur comme tous les matins en se levant. Nous étions dimanche, une journée libre pour lui.

La pilule du bonheur était un médicament prescrit à chaque citoyen pour anesthésier la tristesse, la mélancolie, la souffrance morale et renforcer son système immunitaire. Le traitement était obligatoire et on ne pouvait l’arrêter sous peine de subir une dépression sévère avec un trouble aigu de bipolarité. De plus, le système immunitaire était altéré par ce procédé chimique, ce qui rendait le corps dépendant. Selon les médecins du régime, cette pilule pouvait rendre la vie plus belle.

Jason ouvrit son frigo. Il n’y avait rien. Il prit un café avec une tranche de pain. Il ne lui restait plus grand-chose pour se rassasier. Il trouva le reste d’une pomme qu’il mangea assaisonné au pain.

Il lui fallait refaire des provisions mais l’entrepôt où il prenait ses rations n’était ouvert que le lendemain après son travail. Jason devait patienter et prendre ses précautions alimentaires d’ici là.

Il prit une douche tiède et enfila un t-shirt bleu en coton avec un pantalon brun. Il mit ses chaussures usées en cuir. Le temps dehors était grisâtre mais il ne pleuvait plus comme hier soir. Il faisait humide et la cour de l’immeuble était boueuse car il avait plu toute la nuit. Jason la traversa avec dégoût devant l’œil des caméras de surveillance.

En raison d’un manque de moyens dans la trésorerie, la collectivité n’entretenait pas assez l’immeuble, ce qui le rendait crasseux et obscur. Il y avait un grand nombre de caméras de surveillance installées partout pour surveiller l’ordre social.

Jason se dirigea vers la forêt. Il était 11 h et certains individus en profitaient pour se promener en ce jour radieux de novembre. Un éclat de soleil apparut dans le ciel et Jason sourit de voir le beau temps réapparaitre, malgré l’humidité de l’automne. Il mit 30 minutes pour se rapprocher de la forêt à partir de la ville.                                                    

Il avait pris son carnet de dessin dans une petite sacoche au cas où il trouverait l’inspiration dans la verdure des clairières du parc forestier.

En raison de l’évolution du climat, depuis environ 2030, la forêt et sa végétation avaient évolué. On y trouvait des espèces d’arbres, de plantes et d’insectes nouvelles qui s’étaient développées en raison des saisons plus humides du réchauffement climatique.

Jason connaissait bien la forêt. Il était devenu même une sorte de guide. La forêt était encore un des rares endroits où il n’y avait pas de caméras, échappant ainsi à la surveillance.

Il pénétra dans l’ample forêt en solitaire.

Des arbres gigantesques bordaient les chemins des alentours.

Des plantes merveilleuses avec plusieurs tiges illuminaient les gouttes d’eau de l’humidité. Le chant des oiseaux se mêlait aux bruits du vent qui soufflait face à l’écorce des arbres. Plusieurs chemins de terre rocailleux disparaissaient dans les clairières. Il prit le chemin le plus présentable et suivit la trace de sa direction.

Jason aimait se perdre dans les bois et contempler les différentes espèces qui régnaient sur la forêt avec leurs charmes. Il vit un écureuil qui se balançait d’arbre en arbre.  Brusquement, son regard tomba sur un grand « émifère », un arbre de 5 mètres de haut.

Il entendit un bruit venant du haut de cette arbre. Il était étonnant que cet arbre ait germé en plein milieu du chemin. Jason ne se rappelait pas de celui-là, lui-même qui connaissait si bien le bois.                                                                                                                                               

Il s’avança et aperçut quelque chose de raide accroché à l’arbre. Il examina plus précisément la chose : c’était une sorte d’échelle neuve qui permettait d’accéder à la hauteur d’où provenait le bruit. Il vérifia que personne ne se trouvait dans les environs par méfiance et décida de grimper sur l’échelle pour se rapprocher du son mystérieux. Il monta avec courage et détermination.

Le son était une sorte de musique électronique, comme un émetteur radio qui balançait des mélodies atmosphériques, tels un langage qui sortait d’un volume noir de dizaines de centimètres brouillés.

« Basa ! Onigélou ! Batsaroa… Batsaroa. Flacolme… Iromi…Dérotsse, parlou, forna… Nanionne… Ergonne. Mayon, castmaia. »

Il y avait un bouton. Il appuya dessus et le son disparut. Il s’empara de la boite qui était posée à travers les feuilles entre les branches, dans le tronc de l’arbre. Il la glissa dans sa sacoche, descendit de l’arbre et continua son chemin quelques mètres plus loin.                                                     

Il fit une halte et se retourna derrière lui. L’arbre avait disparu. 

Par stupeur, il n’y avait plus d’arbre. Il avait disparu mais Jason se souvenait bien l’avoir vu, cet émifère avec l’échelle en métal.

Avait-il vraiment vu cette chose réellement ?                                 

Ce passé proche avait-il existé et eu lieu ? Jason tenait bien un objet matériel et il se souvenait bien l’avoir trouvé dans cet arbre, un arbre haut dans lequel il avait grimpé pour découvrir cet objet. Il tremblait.

Il vérifia le chemin en reculant, en observant avec précision le sol. Il n’y avait aucune trace, il n’y avait rien, comme sur le chemin de cette terre blanche au loin qui commençait par là où était arrivé Jason.

La vérité de la perception était-elle réelle ? Pouvait-on croire en un délire ? Les sources du questionnement accompagnaient-elles le triomphe de l’irrationnel ?                                                   

Il continua à marcher car il ne comprenait pas son récit. Il n’avait pas de réponse et son esprit ne résonnait pas normalement.                               

Les arbres autour de lui le questionnaient ; la nature vivace décrivait des réalités sensorielles diverses. Sa marche devenait difficile : il était troublé.

Un banc se trouvait à l’extrémité de la bordure du chemin. Il s’assit. Il n’y avait personne dans les environs. Il crut voir le banc bouger de quelques centimètres. La peur s’empara de lui. Les idées angoissantes du promeneur se faisaient sentir. Les arbres ne parlaient pas. Il était seul. 

Les insectes « amaudiens » qui étaient collés aux arbres se nourrissaient de leurs écorces.

La plupart des espèces d’arbres étaient rongées par ce type d’insecte à la peau verte. Il n’y avait pas d’insectes sur le banc. Les amaudiens pouvaient piquer si on les dérangeait. Jason se protégeait et ne les touchait pas. Il se contentait de les observer de loin. Le son de la boîte vint réveiller son regard : c’était cette fois-ci une voix qui disait : 

« Bonjour Monsieur, vous avez en votre possession un objet qui ne vous appartient pas. Nous vous prions de le reposer immédiatement. Cet objet doit rester secret et ne point être révélé au monde. Le refrain que vous avez entendu est un code secret appartenant au gouvernement. S’il vous arrivait d’en témoigner, vous seriez condamné et banni de la société. Ce que vous vivez actuellement n’existe pas et n’a jamais existé. Nous souhaiterions avoir plus de précisions sur votre nom, prénom, âge et votre adresse. Vous risquez de gros ennuis si vous ne collaborez pas, Monsieur. »

Jason fut pris de stupeur. Il resta assis sur le banc et ne répondit pas. Que fallait-il faire ? Le son de la boîte l’interrompit dans son questionnement.

« Monsieur, avez-vous entendu ? Monsieur ?! » insista la voix puis elle disparut dans le silence.

Il décida de la garder ne prenant pas au sérieux les paroles de la boîte noire.

Le temps n’était pas infini, et cette situation commençait à faire vaciller l’esprit de Jason.

Il s’évadait au rythme cyclique du temps. Ses pensées divaguaient à l’intérieur de sa tête. Il ne pouvait plus croire en la vérité du moment. Le passé et le présent devenaient sans limite. Les frontières de la réalité et de la sienne devenaient fragiles.           

Il y avait un questionnement sur le familier et la raison des actes commis. De quel ordre pouvait-il croire en ce qui venait de se passer ? Quel secret y avait-il à cacher à travers la bande sonore de cette boîte ? La frayeur était-elle envisageable ? Fallait-il s’en détacher ? L’action était-elle vraie et qu’allait-il se passer ? Fallait-il avancer lentement ou rapidement ?

Dans tous les cas, Jason n’éprouvait aucune sensation de vouloir fuir. Il continuait à errer lentement dans le bois, et il ne faisait plus attention à ce qui venait de se produire.

Il essayait malgré tout de rester optimiste et de lâcher prise sur ses idées de découverte et de questionnements. La nature du bois l’avait charmé. 

Il repensait au temps jadis lorsqu’il éprouva ses premiers émois amoureux envers une jeune fille qui s’appelait Sandrine. C’était dans cette forêt qu’ils avaient passé du temps ensemble à flirter et il s’en souvenait nostalgiquement comme si c’était hier.

Ils ne pouvaient prétendre que cela fut réciproque, mais il gardait de cette belle expérience une certaine rancœur et amère mélancolie qui provoquaient de la déprime.

Continuant sa ballade, il vit devant lui une jeune fille qui avançait en sa direction. Il fut curieusement attiré par sa ressemblance avec Sandrine. Il essaya d’observer cette personne mais sa vision devenait étonnamment de plus en plus floue et obscure.

Autour de lui, le silence se fit sentir et il ne percevait plus le bruit du vent et de la forêt.

Il pénétrait une sorte de tunnel insonore et brouillardeux. Cela troublait étrangement sa vision de la forêt. Il vit soudain des ombres qui l’engloutissaient de l’extérieur, dans un cercle. Bientôt, ce cercle fut assez grand pour percevoir une forme rectangulaire au bout et le long des arbres. 

Jason hallucinait et doutait de sa propre personne. Le périmètre du cercle prenait fin à l’embouchure d’une porte. Cette porte, Jason l’ouvrit et une grande lumière l’éclaira ainsi que le chemin du bois se trouvant derrière lui.

Soudain, il n’eut pas le temps d’interpréter ce qu’il se produisait. La porte se referma et disparut, et les rayons de lumière s’éteignirent.

Se trouvant debout au milieu du chemin, il perdit connaissance quelques instants.

En reprenant conscience, il avait oublié ce qui venait de se passer.

Il rebroussa chemin. Il était 16 h et il décida de rentrer chez lui dans son appartement.

Il quitta le parc de la forêt et rentra dans la ville.

En rentrant chez lui, Jason prit conscience qu’il ne se sentait pas bien. Il marchait dans la rue urbaine et sentait son cœur frémir. Une migraine fiévreuse et des nausées lui tordaient l’estomac et lui remontaient à la tête. Il tremblait et avait du mal à marcher.

Il s’arrêta cinq minutes dans une ruelle, à 1 km environ de chez lui, pour se reposer et prendre le temps de souffler.

Un individu qui le vit accroupi contre un mur alla à sa rencontre. Cette personne comprit qu’il allait mal.

– « Que se passe-t-il, monsieur ?

Avez-vous besoin d’aide ? Voulez-vous que j’appelle des secours ? »

Il fut étonné et surpris de cette gentillesse et de cette réaction bienveillante à son égard. C’était une sorte de lumière dans un brouillard d’indifférence humaine qui l’éblouissait d’un sourire sincère.

Cet individu s’approcha de lui. C’était une femme d’une quarantaine d’année, maigre et aux cheveux châtains.

Malgré tout, Jason ne pouvait que rester méfiant par rapport à cet individu énigmatique.

Que pouvait-il bien y faire ? Cette personne était-elle sincère ? N’était-elle pas là pour lui tendre un piège ? Était-elle fourbe ?

Jason était faible et voyait un peu flou désormais. Il s’agrippa à un mur et répondit : « Merci Madame, pouvez-vous m’aider à me relever, s’il vous plait ? »

Cette personne lui tendit la main pour l’aider à se relever.

– « De quoi souffrez-vous ? », lui demanda-t-elle.

– « Eh bien, j’ai des nausées et un mal de tête. Je viens de voir flou. »

Cette dame semblait finalement d’une cinquantaine d’années et avait des rides sur son visage pâle.

Tout à coup, elle se figea sur place en l’observant et en l’examinant de manière indécise.

– « Attendez, restez là, Monsieur. Je pars chercher de l’aide et des secours auprès de gens plus compétents. Restez là, je reviens dans peu de temps. »

A ces mots, et en entendant le ton de sa voix rassurante, Jason prit confiance en cette personne.

Elle s’en alla, le laissant seul contre le mur.

Jason attendit quelques minutes, puis plus longtemps. Son état et sa souffrance se stabilisaient, mais il voyait toujours légèrement flou.

Soudain, il crut apercevoir au bout de la rue un groupe d’hommes habillés en gris qui marchaient en sa direction.                              C’étaient des miliciens ; ils étaient quatre et avançaient au garde-à-vous. Derrière eux se trouvait la dame qui lui avait parlé.

« Dénoncé », Jason avait été dénoncé par cette personne qu’il croyait bienveillante et en qui il avait admis avoir confiance. Il s’était donc trompé. Ils étaient à 200 mètres. Un sentiment de terreur s’empara de lui, intensément. Il trembla à l’idée de se faire attraper, repérer, et persécuter par cette milice gouvernementale.

Il courut maladroitement le long des rues durant trente minutes et trouva une cachette dans une ruelle étroite. Il avait réussi à semer la milice qui venait le chercher.

Des « robots tueurs » étaient aussi à sa poursuite et l’avait repéré grâce à leurs micro-processeurs enregistrant la puce électronique de Jason.

Il était donc nécessaire que Jason trouve un moyen d’échapper à cette traque s’il désirait survivre, ne pas souffrir et comprendre le secret de cette interpellation énigmatique.

Se trouvant dans l’exiguë ruelle de la ville, il poursuivit son cheminement pour se sauver.                                                                           Au bout de la ruelle, il trouva un panneau fait à la main. Dessus était dessiné un symbole hippie d’amour.

Jason prit le temps de réfléchir, s’interrogeant sur le rapport calme entre citoyens, l’absence de violence et de conflit dans cette vie.

Dans un monde sans troubles et violences, un monde plus beau, agréable et supportable, il y aurait plus d’ouvertures d’esprits entre les citoyens pouvant s’unifier avec solidarité pour une même cause pacifique contre le mal.

Cela pourrait engendrer la fin de ce régime cruel et totalitaire où la plupart des citoyens étaient complices de cette cruauté, comme cette femme qui l’avait dénoncé.

Cette réflexion créa chez Jason une multitude de pensées arborescentes filant dans son esprit tourmenté.

Les sujets, thématiques et idées portaient sur la cohésion et différence du bien et du mal.

Le bien et le mal étant deux points opposées, le bien devait surpasser le mal caché pour créer une forme de « duel éthique », de la morale luttant contre la perversion, la cruauté dans toute son obscure splendeur.

Bien que le régime fût ancré dans le mal, le bien devait délivrer ses victimes de leurs bourreaux par la paix et l’amour, menant la civilisation au commencement d’une révolution psychologique.

Le bien serait relatif à la beauté, une grande beauté au cœur pur et inépuisable, qui transcenderait les ténèbres de la dictature.

L’aliénation et l’anéantissement de l’individu, comme l’était Jason, étaient une forme d’instrumentalisation oppressive d’un régime et donc du mal.

Il fallait briser les chaînes de cette prison chaotique.

Le mal-être existentiel et la peur maintenaient les citoyens dans une triste désillusion de misère et de pauvreté censurée.

D’autres questions venaient agacer le point crucial de ses pensées : Qu’est-ce que l’amour ? N’est-ce pas une forme de séduction perverse ? Y avait-il de la sincérité et de la beauté véritable ? Quel sens cela donnait-il à la tristesse de l’existence ? Quel conclusion pouvait-on en tirer ?

La plus grande des leçons serait de comprendre l’absurdité de l’amour et sa cruauté. Pourquoi aime-t-on ? Et pourquoi faut-il souffrir en retour de n’avoir rien et de rester seul dans sa misérable existence humaine de la capitale ?

Il n’y avait pas de réponse.                                                                                                                                                                                      Le souvenir de Sandrine luit révélait un sévère chagrin qui avait blessé son cœur à jamais. L’absurde solitude de l’individu en découlait.

Cependant, quelle est la place de l’individu dans ce monde ? Comment et pourquoi l’individu existe-t-il ? Quel est le sens véritable et le but ? Pourquoi la vie était-elle aussi dure ?

Il pensait à la stigmatisation des individus atypiques et sensibles.                                                                                                                 Vivant dans une société artificielle, normée et robotisée, il y avait une fermeture à la différence. Il faudrait trouver des solutions pour les individus atypiques et en marge, songeait-il.

Ils subissaient ce que Jason pensait : la persécution ; le mal disait que la société était malade.


Il tourna à droite du panneau et s’enfonça dans une ruelle sinistre et sombre qui débouchait sur un tunnel. Le bruit de la milice à ses trousses avait disparu.

Tandis qu’il s’enfonçait dans la ruelle, cela lui rappelait l’hallucination étonnante du bois.

Il ne pouvait toujours pas comprendre cela.

Ses émotions révélaient en lui une véritable peur de la vie, du passé, du présent, et de l’avenir. Il était terrorisé : comment allait-il s’en sortir ?


Il longea le tunnel dans le noir sur 100 mètres environ et déboucha sur des escaliers en pente.

En descendant ces escaliers, il ouvrit une porte qui lui fit descendre d’autres escaliers sur 50 mètres vers le bois jusqu’à reprendre un chemin tout droit.

Il arriva après 20 mètres dans une ruelle où le plafond était dégagé et donnait sur un ciel gris. Il y avait un pont au-dessus d’une rivière.

Au-delà de cette rivière se trouvait un embarquement de bois et de tuile assemblés, où résidaient des individus sans-abri.

Un groupe de huit personnes se réchauffaient près d’un feu.

Il alla à leur rencontre.

L’un se nommait Tom et demanda à Jason ce qu’il faisait là.

Jason lui raconta son histoire.

« Tu es le bienvenu dans notre refuge, nous t’attendions », s’exclama Tom.

« Ici tu pourras te cacher le temps de trouver une solution d’évasion. »

La pauvreté de ce lieu ainsi que ses paroles choquèrent et surprirent Jason. Ces huit sans-abri vivaient là dans la débauche la plus totale. C’était un squat de sans-abri atteints de problèmes psychiques.

La plupart avaient exercé des métiers d’ouvriers avant de se retrouver à la rue dans la misère faute de pouvoir exercer en raison de leurs handicaps.

L’argent, la richesse, le matérialisme et la croissance du régime ne les intéressaient plus car ils avaient réussi à s’en défaire en créant leur confort par la solidarité et le soutien de leurs groupes. Ils avaient fondé une micro-commune secrète, cachée près de cette rivière.

L’argent et la richesse étaient remplacés par l’amour et l’amitié de leurs groupes. Il y avait là une communauté.

Il fallait réinventer la vie sans honte dans la misère avec de la maturité, car le monde était immature.

Le concept de bonheur et de malheur ne se révélait qu’à travers la souffrance et l’ennui, selon les sans-abris. La richesse était misérable et superficielle pour eux.

Pourquoi fallait-il exercer des métiers aliénants et torturants pour recevoir une redevance indécente et être malheureux par cette corvée ?

Cependant, entre lassitude et solitude, la vie en société méritait d’être vécue malgré sa dureté.

La richesse, autre que l’argent, ne provenait que du cœur et c’est bien cela qui poussait certain sans-abris à s’isoler en groupe.

Pourquoi fallait-il souffrir et vivre ? Quel en était le sens ?

La raison était incompréhensible. Il fallait lutter pour survivre dans ce monde et cette existence injuste et violente.

Certaines personnes choisissaient de créer des enfants en s’accouplant entre individus de sexe opposé sous prétexte que cela était « l’amour ».

Cependant, le nombre de naissances ne cessait de diminuer depuis de nombreuses années dans la Capitale. Les couples aussi devenaient rares. La vie étant de plus en plus dure, la population se reproduisait moins. L’humanité commençait à s’éteindre aussi bien moralement que physiquement.


Dans cette communauté de sans-abris, Jason y resta quelques jours, le temps de reprendre des forces et de se reposer. Son état physique l’épuisait et son moral n’était pas très bon. Il ne pouvait plus prendre de pilules, ce qui rendait son humeur plus naturelle mais triste.

Il sympathisa avec le chef, Tom, qui lui raconta sa vie, ses origines, ses motivations, et ses aspirations.

– « Qu’est ce qui te donne envie de vivre ? » fut une question que Tom lui posa mystérieusement.

Ne sachant pas vraiment comment répondre, car il n’ avait pas assez réfléchi, Jason comprit que cela n’avait pas vraiment de sens pour lui. Ce qui lui donnait envie de vivre était plutôt le fait que, malgré son histoire, il désirait survivre pour pouvoir résister contre l’injustice de sa situation et ne point souffrir d’avantage de son sort.

Il souhaitait reprendre sa vie d’avant, telle une personne banale qui, malgré tout, vivait une vie ordinaire avec sa lassitude et ses tracas, mais cela était supportable.

Il ne put croire franchement que Tom, son nouvel ami, lui indiqua qu’il avait entendu en écoutant la fréquence de leurs petite radio dans leur refuge qu’un certain Jason Beutler était recherché par le régime et la R.A.S. pour des raisons secrètes, et que celui qui le dénoncerait serait récompensé d’une prime.

C’était donc bien lui, Jason Beutler, qui avait capturé l’énigmatique boîte cryptographique dans la forêt où il avait l’habitude de se rendre, qui était traqué.

– « Je ne peux rentrer chez moi, car je suis recherché » se dit-il.

– « Ils ont sûrement dû te repérer grâce à ta puce électronique » songea Tom.

– « Je pense que cette fameuse boîte noire a dû broyer la puce »

– « De ce fait, je pense que cette boîte renferme un secret qu’il faut découvrir », lui dit Tom.

Il y eu un débat sur la réalité cryptographique que communiquait la boîte.

Jason lui montra la boîte noire et lui indiqua que des sonorités dans une langue inconnue en étaient sorties.

Tom émit l’hypothèse que cela devait avoir un sens, et une signification.

– « Quel en est le son ? » demanda Tom. 

Jason appuya sur le bouton rouillé à droite de la boîte. Et soudain le même son sortit de manière rythmée mais désorganisée, plus lentement :

Onigélou…

Batsaroa…

Batsaroa…

Flacolme…

Iromi…

Parlou…

Forma…

Dérotsse…

Nanionne…

Mayon…

Ergonne…

Castnaia…

Une langue extraterrestre commença à continuer la suite : ce fut quelque chose d’aigu et de strident, quelque chose de désagréable à entendre. Ils se bouchèrent les oreilles.

Tom réappuya sur le bouton encore et encore, et cette boîte se mit à bouger et à se déconstruire sur elle-même dans un bruit indescriptible, en mouvement.

« Que se passe-t-il ? » s’écria Jason, surpris par ce qui venait de se produire sous ses yeux .

« Il semblerait qu’il y ait un mécanisme à l’intérieur de cet objet », répondit Tom.

L’objet se décomposait en formes de mini-cubes qui se collaient sur deux côtés restreints.

Au centre, il y avait une fente qui contenait un morceau de papier avec des inscriptions dessus.

Batsaroa… !

Onigélou… !

Batsaroa… !

Iromi… !

Flacolme… !

Parlou … !

Mayon… !

Ergonne … !

Castnaia… !

Forma… !

Dérotsse … !

Nanionne… !

Cette fois-ci, l’objet en décomposition avait augmenté le volume du son qui se répétait avec le langage qui semblait sortir de la fente.

Le bout de papier plié de quelques centimètres fut expulsé part un courant d’air frais. Ils le ramassèrent puis le déplièrent à côté de la boite, sur un tronc d’arbre déchiqueté.

A l’intérieur de ce pliage était écrit : « Ici se trouve la réponse au code de destruction de l’ordinateur central : « Der Schmetterling fliegt Über das Licht ».

En lisant cette phrase allemande insolite, Tom et Jason prirent conscience de la notion de lumière.

Une énigme secrète et obscure se cachait derrière ce vers. C’était quelque chose d’étrange et de mystérieux. Il ne pouvait y avoir comme seule réponse justificative qu’une mission ultime à accomplir.

Le bout de papier fut saisi par Jason pour ne pas le perde et alors qu’il le touchait, son corps fut saisi d’engourdissement avec des ondes électromagnétiques. 


Soudain, son instinct et ses pensées divaguèrent confusément : Jason perdit la vue et une forme perturbante apparut en zigzagant autour de lui. Elle dégageait une couleur indescriptible et indéfinissable que l’on ne pouvait nommer par manque de connaissance et rationalité.

Tom, quant à lui, fut enfermé dans une cage avec des barreaux invisibles. Précautionneusement, il décida de ne pas bouger car en touchant l’imperceptible cage, ses mains brûlaient en chauffant douloureusement. Il ne pouvait pas faire grand-chose.

Il ne pouvait plus communiquer avec Jason car leurs réalités les avaient séparés par le biais de la boîte noire.

Tout à coup, une parole divine et fluorescente s’empara de la conscience de Jason et lui murmura à l’oreille des ordres à suivre.

– « Que me voulez- vous ? Que me faites-vous ? Quels sont vos intentions ? »

– « Je t’ai charmé pour que tu puisses m’obéir et exécuter des ordres. Je suis l’héritier de la sagesse et l’ange de la raison. J’ai pour mission de t’informer d’une chose capitale : il faut que tu saches à quel point nous t’apprécions et c’est pour cela que nous t’avons choisi. Tes atouts et ton potentiels révèlent une faiblesse fragile qui permettrait de sauver le monde de l’indicible chaos. »

– « Que se passe-t-il ? Est-ce dû à cette boite noire ? »

– « Oui, tu as pu trouver une citation en la manipulant… »


De son coté, Tom était toujours pris au piège de sa prison invisible à quelques mètres de Jason. Il pouvait le distinguer dans un état second. Que pouvait-il bien faire pour l’aider ?


La voix continua :

– « Tu dois te rendre au centre de la capitale et utiliser cette énigme pour détruire le noyau central du système de surveillance « Rebecca ».


En réalité, Tom était un imposteur de la R.A.S. et voici sa véritable histoire :

Tom, de son vrai nom Tom Moussa, était né en 2032, 8 ans avant Jason. Il avait vu le jour dans une famille pauvre et nombreuse d’ouvriers de l’Est du pays.

Après avoir suivi une éducation rigide et stricte avec un père alcoolique et une mère dépressive qui se suicida lorsqu’il avait 12 ans, il fut forcé d’aller travailler dans une usine informatique. On l’envoya près de la capitale en 2044, quatre ans avant le coup d’état de 2048.

Là-bas, dans cette ville de Saint-Parotte, maintenant appelée le secteur de « Lassitude-district », à quelques kilomètres d’« Abîme-district » , il dut au début se construire un abri de fortune dans un bidonville pour survivre. Il avait édifié des barrières avec du barbelé tout autour de sa modeste demeure pour se sentir en sécurité.

Le travail dans cette usine était dur, ingrat et malveillant envers ses salariés.

Cette besogne consistait à réaliser des pièces élémentaires en soulevant de lourdes pinces en acier pour participer à la fabrication de boîtes secrètes liées au système de défense d’un ordinateur central. Cependant, il n’en savait pas plus.

Alors qu’il se faisait exploiter sans relâche, sa santé mentale s’avilissait . Ce travail absurde le fit basculer dans la folie et il fut renvoyé de son poste pour son «  manque de performance » et sa lenteur handicapante.

Le jour de son renvoi, on se moqua de lui et on l’humilia très perversement.

C’était l’époque du coup d’état de 2048 dans la capitale.

A cette époque, un nouveau système de collaborateur commençait à recruter secrètement des individus perdus pour les corrompre et les forcer à faire le mal dans l’anonymat.

Dans ce contexte, les organes centraux de l’état ne fonctionnaient plus correctement. La révolte grondait face aux dirigeants du pouvoir de la capitale.

Le président Omer Trassou disparut du jour au lendemain. Son parti et son gouvernement furent dissous et l’assemblée de la république fut anéantie.

Un nouvel état de droit, commandé par une police secrète : la R.A.S., créa une forme de dictature à l’autorité et aux contraintes collectives sévères pour préserver l’intérêt général et le bien commun.

Les règles aberrantes et mesures strictes de cette dictature prises à l’encontre de la liberté étaient les suivantes :

La vraie liberté doit être manipulée et contrôlée : qui n’est soumis à aucune contrainte, à aucun contrôle, à aucune restriction n’est pas libre. Les stratégies de contrôle de la liberté créées par la R.A.S. sont les suivantes :

Pour commencer, il faut créer des problèmes par une méthode appelée « problème-réaction-solution ». Pour susciter une certaine réaction chez l’individu pour qu’il accepte les mesures de contrôle et de manipulation proposées sans qu’il le sache par la R.A.S.,
il faut provoquer des problèmes dans la société.

Pour appliquer la précarité et des salaires sous-payés, il faut appliquer de nouvelles mesures et cela de manière progressive, tranquillement et avec efficacité pour transformer cette société en laboratoire de la pauvreté.

Pour modifier l’intelligence de manière durable chez les individus et faire baisser leur capacité de révolte en les encourageant à se complaire vitalement dans la médiocrité, le gouvernement de la capitale maintenait la population dans l’ignorance et la peur de toutes informations. Celui qui osait réfléchir était signaler suspect.

La liberté de décider, d’agir, de circuler, de s’exprimer, de créer, de penser, de rêver, de voyager
et de travailler était contrôler par l’état. Il ne restait plus que la liberté d’aimer qui était menacée.


Pour subvenir à ses besoins et faire face à sa situation tragique, Tom s’enrôla dans le recrutement de la R.A.S.
et fut formé dans un centre secret. Il devint un espion, serviteur du mal, en le poussant à agir pour l’argent, et le pouvoir.
Il apprit à manipuler et à corrompre, à violenter, mentir, et tromper au service de la R.A.S.

Le centre de formation où il fut enrôlé se trouvait dans l’Est de la capitale.

La R.A.S. recrutait de nombreux profils qui désiraient effacer leur passé.
Elle leurs offrait l’opportunité de recommencer leur vie et d’effacer leur identité.

Tom avait donc une douloureuse histoire et était complice de la cruauté.

Soudain, Jason entendit des bruits de machine aéronautique arrivant en sa direction.
Tom avait disparu de son baraquement. Il s’était volatilisé, le laissant seul dans son hallucinant et mystérieux délire.
Il ne trouvait plus de sens à son existence et sa situation peu commune. Il était fataliste et avait du mal à se projeter dans l’avenir de sa destinée. La situation produisait un bilan compliqué :
il était pourchassé, traqué et recherché par l’instrumentalisation du pouvoir : la police secrète, la R.A.S.
Il ne pouvait rebrousser chemin, car il risquait de se faire capturer et il ne savait pas ce qui risquerait de lui arriver s’il se faisait attraper. Il redoutait la mort et la torture.


Le soir arriva et le manteau sinistre de la nuit envahissait le ciel vaporeux en raison des déchets radioactifs de la capitale. Le ciel était sombre et intimidant pour celui qui osait apercevoir les rayons de lumière de la lune, cachée par la vapeur d’une journée de pollution durement oppressante.


Le son des machines « hurlait » et se rapprochait en sa direction. Il se rendit compte en observant leurs projecteurs qu’une dizaine d’hélicoriums volaient dans la voûte du ciel sans visage. On aurait dit des créatures sorties tout droit des abysses des ténèbres, agitant leurs ailes pour mieux exercer leur terreur.

Les hélicoriums étaient des véhicules volants utilisés pour surveiller la population. Ils avaient été conçus pour rechercher les individus à éliminer en les repérant avec leurs projecteurs et radars d’éclairage solaire FX-341. Ils patrouillaient en sections de régiments aéroportés dans le ciel de la capitale et des secteurs environnants, mais surtout vers l’Ouest, car nombreux étaient les déserteurs qui voulaient rejoindre la côte Ouest, un territoire interdit d’accès. L’Ouest, c’était là où Jason rêvait d’aller vivre.

D’un aire décidé, il prit avec crainte une bouffée de courage et décida de prendre le chemin du lieu où se trouvait la forteresse de « Krakofe ».  Ce lieu se situait devant la pleine lune au centre de la capitale.

Nous étions à une journée de marche de « Krakofe ». 

C’était la toute première fois qu’il se rendait dans cette étonnante direction, dans l’épicentre du quartier général de la R.A.S.

Pendant qu’il réfléchissait, son délire entouré d’ondes électromagnétiques mystiques c’était apaisé.

Il était maintenant contrôlé par une voix qui maîtrisait ses pensées irrationnelles.

La rationalité ? Ce qui venait de se produire intensément était rationnellement surnaturel.

Cela ne pouvait être que les symptômes hallucinogènes et psychotiques de la boîte noire, comme dans la vision de la forêt.

La voix lui indiqua d’ouvrir cet objet à nouveau. Elle lui parlait tendrement et amicalement à travers sa conscience.

Cette voix lui voulait du bien et cela se sentait dans son timbre sincère.

Cependant, la boîte noire continua de persécuter Jason.

Les symptômes se faisaient sentir de plus en plus fort. Il ne pouvait plus échapper à son destin.

Il était persécuté et on ne lui laissait pas le choix.

La boîte, ce récipient de matière rigide qu’il transportait, brillait dans la nuit et on pouvait le démasquer.

On observait un état, une sorte de maladie qui prenait le dessus sur son inconscient et sa méfiance.

En avançant dans le brouillard, il sombrait dans la folie.

Il était traité avec acharnement dans un délire systématique.

Le son de la boîte noire vibrait dans sa sacoche.

Il y eut une révélation, un phénomène en désordre au caractère perceptible ou observable lié à son état :
« le capharnaüm de bouffonnerie humoristique ».

Il n’y eu pas vraiment de chemin réellement concret. Ce délire fut une prise de conscience psychique pour Jason.

Les étoiles étaient rouges et les arbres se changeaient en éléphants et tartes à la crème flambants
dans la dépréciation vorace et la fatuité de sa personnalité dissociative.

Un bruit sardonique s’échappa de la boîte et la fit vibrer encore une fois contre sa poitrine.

Les ombres et la lumière de la nuit vacillaient.
Il mangea un morceau de tarte. C’était délicieux. Il n’en avait jamais mangé d’aussi succulente.

Tout à coup, les éléphants à côté de lui se changèrent en bouteilles de champagne,
et il but à grandes gorgées une bouteille entière.
Son appétit vorace lui remonta le moral et rétablit sa raison rationnelle.
Cependant, l’ahurissement du capharnaüm de bouffonnerie humoristique s’éclipsa. Il fut alors plongé dans une obscurité sans temporalité et son corps se décomposa en milliers d’atomes dans toutes les directions. 

Ce qui était le plus surnaturel, c’est qu’il en était conscient et bien en vie dans un espace à la vitesse incroyablement rapide. N’est-ce pas un rêve où une hallucination cauchemardesque ?

Il ne comprenait toujours pas et il semblait qu’il n’y avait pas de sens à ce phénomène prodigieux ou accablant…

La voix qui le contrôlait indiqua à son cerveau de ne pas s’angoisser et que tout ce spectacle était dans les normes de la téléportation dimensionnelle.

A côté de lui ou de sa consistance, se trouvait un vide interdimensionnel sans fin. Il vit passer au-dessus de lui des images de la création de l’univers, des dinosaures, de l’histoire du monde, mais aussi des secrets sans noms et autres attraits indescriptibles.

La voie aimable revint lui parler :

– « La quête… » lui dit-elle.

– « Tu dois le faire »

– « Tu dois sauver le monde de la malveillante tyrannie »

– « Nous t’avons choisi secrètement afin de nuire… »

A ces mots au ton indéniablement opiniâtre, Jason repris conscience. Il était couché sur une route en béton devant un portail en fer. Il faisait froid et le vent soufflait dans le ciel de la nuit. Il regarda et se rendit compte que les hélicoriums n’étaient plus là.


Couché sur la route, il se trouvait caché par un rare buisson revêtu de feuilles vertes et jaunes qui le camouflaient.

Cette route était une voie de communication suivant un itinéraire compliqué qui se perdait dans l’horizon. Il y avait un champ de mines explosives sur les côtés avec un panneau indiquant une tête de mort encadrée.

Une bande déblayée de terre crasseuse assez étroite, non revêtue de mine, était creusée dans le sol vers une direction déterminée : ce chemin se faufilait le long des remparts de la forteresse vers la droite de la porte.

Des tourelles blindées d’environ une dizaine de mètres de haut, en béton et entourées de barbelés électriques, dominaient la forteresse dans la composition des remparts.

Sur le gigantesque portail en acier, il y avait un panneau où l’on pouvait lire les mots suivants en rouge : « Défense d’entrer, sous peine d’élimination ».

En haut des tours, des miliciens maintenaient la garde de nuit comme de jour, armés de lances électriques et de fusils détecteurs X23.

La voie lui indiqua de prendre le chemin de terre sinueux et pernicieux qui se situait à droite pour ne pas se faire repérer.

Malgré sa peur, il n’avait pas le choix et devait trouver un moyen d’esquiver la surveillance s’il voulait entrer dans la forteresse de « Krakofe ».

Le système de surveillance « Rebecca » y était, et la détruire grâce à la boîte noire était son objectif à atteindre.


Sans répit, il s’élança et suivi cette route sans perdre un instant.

La boîte noire vibrait et chauffait dans sa sacoche, quelques minutes avant de se taire.

Une odeur d’ammoniac et de méthane chimique odorait l’atmosphère ambiante du chemin.

Elle empestait de plus en plus forte lorsqu’il s’enfonça dans le chemin de terre brumeux creusé dans le sol pour s’y perdre.

Cette perte de repères engendra des émotions fortes telles que la peur, le dégoût, et l’angoisse de souffrir dans cette grisaille incertaine.

L’odeur chimique de gaz inhalée provoqua un petit rejet de son corps et Jason toussa du sang.

Alors, il sortit un mouchoir avec minutie de sa sacoche et se l’appliqua contre son nez et sa bouche pour se protéger de l’émanation.

Il était confusément égaré et avançait avec prudence, pas à pas, dans un silence morbide en titubant.

La boîte noire chauffait dans sa bandoulière, mais cela ne l’inquiétait pas.

Au bout de quelques minutes, il n’apercevait plus la surface avec les remparts, car il s’était plongé dans un chemin souterrain tel une tranchée en forme d’escaliers boueux qui devait être aménagée et creusée par la milice comme accès de secours. Il n’était plus visible par les gardes et pouvait donc se détendre prudemment, bien qu’il ne savait pas où il cheminait.

Finalement, il supplia la voie de l’aider en lui communiquant les instructions à suivre dans cette expédition secrète et hasardeuse.

– « Que pouvait-il bien y avoir à nuire ? » s’écria-t-il.

Les dernières indications l’avaient troublé : il ne savait toujours pas comment atteindre son but : détruire Rebecca.

La voie lui apparut et s’exprima d’un ton plus sec et dur cette fois-ci :

– « Jason, tu as en ta possession une boîte noire chauffante, vibrante. Ceci est une arme radiochimique contenant

un code de destruction secret. Il y a des pouvoirs magiques créés par des atomes biochimiques la composant.

C’est grâce à cela que tu es ici. Nous t’avons guidé pour que tu puisses commettre l’impardonnable : un meurtre.

Cependant, cela sera une forme d’homicide pour la bonne cause de ta quête.

La violence de cet acte doit être justifiée par l’entrée dans la forteresse ».

– « Comment cela ? Comment est-ce possible ? »

– « Tu dois éliminer un garde pour te déguiser en soldat impérial ! »

– « Affirmatif… mais comment ferais-je ? »

– « Utilise le couteau aiguisé que nous avons placé dans ta sacoche. »

Jason fourra sa main dans son sac et sentit un couteau qu’il ne connaissait pas. Ce devait être encore un objet de don surnaturel

et magique de la boîte noire, pensait-il.

La voix se tut et il reprit sa marche d’un aire déterminé et barbare.

Devant lui, il entendait tout à coup des bruissements de voix humaines dialoguant, se rapprocher.

Il reconnut la voix de Tom à l’autre bout du chemin, près d’une porte secrète placée derrière le couloir. Il était caché par le mur

à quelques mètres de la porte où se trouvaient Tom et ses compagnons miliciens qui montaient la garde.

Il s’arrêta pour se cacher et écouter le dialogue.

– « L’humanité de cette terre se consume aussi bien moralement que physiquement et notre parti verra la gloire du peuple

reptilien prospérer une fois qu’ils seront sur terre. Le plan d’extermination de Rebecca verra son jour arriver.

Nous le préparons secrètement au sein de notre institution de la R.A.S. L’oppression idéologique du régime de la capitale

doit anéantir le peuple. »

– « Bien sûr Tom, nous devons les affaiblir puisqu’ils sont une menace et nous préparons une offensive nucléaire pour détruire l’Ouest, bastion de l’opposition de notre régime », rajouta le camarade milicien de Tom.

Ils étaient deux autres miliciens à protéger la porte d’entrée.

Assis sur des bancs en bois, ils fumaient des cigarettes en uniforme de soldats impériaux du parti avec leurs armes électriques. 

Au bout d’une heure d’attente, il ne restait plus que Tom. Les deux autres avaient levé la garde et étaient retournés

dans la forteresse. L’uniforme de sa tenue était uniquement vert avec des bandes bleues sur ses manches.

Il avait en sa possession une lance électriques Y-74, arme de pointe de la R.A.S. .

De ce fait, il fallait donc être rapide et efficace pour lui ôter la vie sans être repéré.

Il tenait son arme prudemment en la serrant bien fort dans sa main, prêt à dégainer et à égorger Tom

en lui sautant dessus par-derrière, près de la porte.

Alors d’un coup sec et fatal, il prit son élan et bondit dans le dos de Tom.
Le couteau lui trancha la gorge d’un seul coup et le sang gicla sur le sol.

Ne comprenant rien à ce qu’il venait de lui arriver, le cadavre s’effondra contre la porte.
Il y eut un bruit de douleur puis plus rien. Un silence de mort se propagea.

Tom gisait dans une mare de sang obscure et il agonisait. Alors Jason lui porta un coup fatal au cœur
en le plantant droit dans sa chair.

L’odeur de la mort se dégagea dans la tranchée. De ce corps inerte, disparaissait un traître qui n’avait pas réussi

à adopter un comportement digne envers la vie, malgré son histoire.

L’effondrement de son existence venait de basculer et il venait de périr par le rôle d’un personnage devenu tueur

pour la cause en faveur de la délivrance.

Morne fut la contemplation de ce corps sauvagement liquidé par l’assassin. Et alors que plus aucun soldat ne maintenait la garde,
il scruta les vêtements tachés de sang du cadavre inanimé au sol.

La mort, cet événement auquel les membres de l’humanité et Jason ne s’auraient échapper, que l’on qualifie de fin de vie, est un événement brutalement naturel.

Il s’inscrit dans cette nature et société perfide, vilaine et aliénante, où le meurtre prémédité l’accompagnait.

Tom s’était risqué sans le savoir et par la force du destin à mourir, et il ne prétendait pas échapper à la mort.
La souffrance, la douleur étaient pourtant tristement fatales dans cette action achevée par le prédateur dans sa quête.
Il y avait une sorte de délivrance chez les deux personnages. Tom était libéré de son rôle de traître et Jason s’affranchissait
des règles de la morale pour poursuivre et atteindre son but ordonné par la voix.

Le cheminement de l’évolution du doute sur le bien-fondé de cette conspiration qu’alimentaient les actions
de sa destinée aller bientôt prendre fin.

L’aliénation était bel et bien présente et la folie permettrait d’occuper un espace de liberté dans cette jungle de la survie.


Aussitôt qu’il eut enfilé l’uniforme ensanglanté de Tom et pris son arme, il déclencha l’ouverture de la porte pour entrer secrètement dans la forteresse.

Au premier instant qu’il eut franchi le passage, il entama une marche en direction d’un couloir étroit. L’odeur étrange venait de cette direction. Une deuxième porte se trouvait face à lui, blindée de cadenas avec une clef sur le côté.
Il entendit le bruit d’un réacteur et un langage bruyant de créatures non-humaines derrière celle-ci. Bien qu’ayant presque
atteint son but, il prit garde, et protégea sa sacoche.

Alors, la porte s’ouvrit et devant lui un spectacle saisissant et grandiose se présenta.


Une cohorte de créatures tentaculaires statique au visage sombre et vert était regroupée dans une cour au sol rouge
à une centaine de mètres de lui. Il y avait un liquide bleuâtre qui couvrait une partie de la cour et cela brillait sur le reflet
d’une machine gigantesque avec des individus humanoïdes sur les abords.

Cette machine était bruyante et un son cacophonique sortait des turbines du réacteur. Cela devait être Rebecca.

Un bouclier de protection avec une matière transparente jaillissante autour de cette bête de machine atomique.
Il n’y avait plus d’êtres humains. En ce qui concernait les créatures, elles étaient immobiles en arc de cercle,
positionnées quelques mètres avant la machine et flottaient contre les dissimulables teintes de la couche du sol,
habillées de différentes tuniques scintillantes.

Au-dessus de leurs têtes, des tuyaux connectaient leurs cerveaux enflés à la machines en pompant leur énergie de leurs cervelles. Ces créatures devaient faire deux mètres cinquante de hauteur et ne bougeaient pratiquement pas.
Un langage mystique et religieux sortait de leur bouche en récitant des paroles dans un désordre logique, telles des formules secrètes et mystérieuses visant à transformer quelques substances magiques en énergie mécanique.

Des robots tueurs et humanoïdes circulaient librement dans toutes les directions bien précises aux abords de cette
scène prestigieuse et infernale bruyante.

Sur les hauteurs des palissades et des murs, on apercevait l’autre face des tourelles de garde de l’intérieur.
Des hélicoriums patrouillaient dans l’immensité spectrale de la nuit et éclairaient cette métamorphose de folie cachée.

Le réacteur était une tas de machines aux proportions intersidérales qui était constituée de tuyaux et de fils électriques statiques.

Une imposante masse irrégulière était densément dressée au-dessus de la cour jusqu’au tourelles. Une cheminée invisible finissait sa trajectoire dans le ciel sans visage pour pomper l’énergie du cosmos.

Les créatures rassemblées étaient des Aliens « reptiliens ». Elles pratiquaient un rituel satanique
d’ensorcellement de l’intelligence artificielle Rebecca pour pouvoir s’imprégner du pouvoir de contrôle planétaire.

Les humanoïdes et robots tueurs patrouillaient autour pour protéger le déroulement de cet événement fatidique.
Il y avait une odeur macabre que Jason avait sentie dès son arrivée.

Déguisé et caché dans un coin de la cour derrière une porte, il scrutait les machines vivantes et violentes.

– « Je vais me sacrifier en bombe humaine, pensa-t-il. Il est temps de courir de toutes mes forces jusqu’à la machine
et d’y déposer la boîte. Ainsi, je me suiciderais pour une juste cause contre ces ténébreux êtres malfaisants. »

La voix entendit sa pensée et lui dit qu’il n’y avait pas d’autres solutions à effectuer et que sa mission prendrai fin bientôt.

La RAS ne pouvait pas le reconnaître et, au cœur du quartier principal de cette forteresse de Krakoffe,
l’impatience d’en découdre une dernière fois avec la vie et le système périlleux de la capitale viendrait augmenter la force et la folie
de Jason. Sa réalité instantanée n’était plus celle d’un homme banal rattrapé par ses obligations de survivre et son funeste destin, mais tôt ou tard, il terminerait son acte de destruction massive contre l’oppresseur étranger en finissant sa vie sans regretter de l’ avoir vécue dans la tristesse, mais d’avoir changé le monde. Il fallait avant tout quitter ce monde pour ne plus avoir à supporter la tyrannie de l’existence.

Une force vaillante le submergea et son cœur vibra.

La voie lui indique qu’il était temps de partir en courant pour atteindre l’interrupteur
au fond de la cour et y déposer la boîte noire pour l’acte final.

Sur ce fait, il décolla tel une fusée et lance la boîte noire dans le trou noir de l’interrupteur.
Aucune des forces présentes dans cette cour n’eut le temps de le voir.

Alors soudain, il a disparu.

La réalité et les personnages disparus.

Il n’y eu plus rien : l’effondrement d’un gigantesque brouha poussa un cri effroyable dans le ciel et le cosmos,
et le réacteur explosa.


Un vacarme inaudible s’acharna sur le son et la terre. Il ouvre les yeux : il était seul dans le vide. C’était un vide glacé et particulier proche du néant plongé dans une froide obscurité. Un silence dilaté le hantait. La peur de l’inconnu révélait le sens inerte de toutes choses dans le passé. Il flottait dans un espace à l’odeur agréable mais tomba dans une autre réalité physique en quatre dimensions.

Des couleurs et des sons nouveaux prenaient naissance dans une lueur étrangère.
Son regard s’éteint puis on entendit plus rien.


Il ouvre les yeux et reprend la connaissance. Il y avait autour de lui une salle avec des murs remplis d’atomes. Jason se trouvait au-dessus de cette salle est pouvait voir de tous les côtés. On décrivait cela comme une sorte de labyrinthe biochimique universel où une porte de lumière s’ouvre.

Un extraterrestre métamorphosé en scarabée sortit de cette porte en gesticulant et en tenant dans chaque patte un objet de design.

Il ne voyageait pas Jason. Personne ne pouvait le voir.

Il salua un autre personnage et puis prend la parole d’un ton blême : « Notre objectif est le suivant : détruire le sens critique, le potentiel et l’intelligence de l’individu dès son plus jeune âge pour qu’il se soumette aux règles et pouvoir être employé, utilisé, formaté au sein du gouvernement de la capitale, de ce système métaphysique de cette planète que nous manipulons. Les gens plus intelligents que la moyenne seront mis de côté et leur créativité limitée. Les individus bons et brillants seront anéantis par le système sociétal oppressant en les rendant malades. Seuls l’ignorance, la peur et l’angoisse pourront permettre aux groupes de cette planète de survivre. La vérité n’existe pas. Ce qui compte seulement, c’est le maintien de l’obéissance et de la survie. Un mélange de peur et de tristesse habitera le cœur et l’esprit de l’individu de cette planète. »

Face à ce discours, Jason pensa : mais où se trouve le réconfort et l’amour lorsque la solitude et l’isolement guettent l’espèce ? Il suffisait qu’une seule choisisse guérir la situation mais cela n’arrivera jamais.

La souffrance de l’existence jaillira de la source vitale. Il faudra survivre héroïquement sur cette planète, songea-t-il, dans cette réalité déprimante manipulée par des Aliens Reptiliens d’une autre galaxie.

Mais à force de songer, était-il toujours vivant ? Il repensa avec appréhension : nous vivons dans une société dans le déni de sa propre pathologie psychiatrique. Laquelle ? avait-il réfléchi longuement.

La voix lui a répondu : « la perversion narcissique reptilienne »…


A la suite, une jeune fille est apparue devant lui et les atomes se décomposèrent par association d’électrons statiques, à travers eux dans le temps entre présent, passé et futur.
La frontière de ces trois repères temporels devenait floue.
Une musique douce et claire accompagnait son spectacle grandiose.

C’était Sandrine qui était en face de lui dans des nuages atomiques.

Il n’avait plus peur de rien et le confort de l’amour avait saisi son cœur immortel.

Il la regarda quelques instants.

Elle lui glissa un doux baiser et ils commencèrent à ce caresser.

Jason s’élève avec Sandrine et dans l’univers céleste, ces deux personnages de magie resplendissent en une seule étoile filante dans le cosmos, filant à la vitesse de quelques années-lumière de la capitale.

Ce fut l’amour qui allait tout sauver.

L’amour le plus splendide avait survécu à la terreur et à la dictature du réel de cette planète.

Et tandis qu’un autre univers, une autre réalité se dessinait, ces deux personnages continuaient à s’aimer jusqu’à la fin, la fin de toutes choses et l’avènement de l’amour éternel vers un autre espace où la poésie ressuscitera. le néant de l’apocalypse finale d’un dernier poème rempli d’espoir pour l’avenir de l’humanité :


Les débris mélancoliques ont tissé des toiles de gaieté.

Nous sommes passés ici et là par l’ampleur du malheur.

Des sons mélodieux vibraient…

A comprendre que les choses se sont évaporées.

Jadis, il fut un temps où l’immuable,

Prit naissance dans l’incontrôlable.

Au paradis des cieux,

L’âme sœur est lumineuse.

Par ici, et par là, je m’étais promené

Sur le chemin de la solitude triste du soir.

Oh ! Terre céleste et paradis mystérieux,

Le ciel bleu rend heureux les amoureux.

Le flot de la mort coule vers le précipice de mes angoisses.

Je me déteste de vivre pour ne pas sombrer dans le désespoir.

J’allume des chandelles le long des rues.

Je pleure à ne pas comprendre les mots de ma triste raison perdue.

Le vent soufflé sur les vers d’idées biscornues

Demain encore, il n’y en aura plus