La fin du monde ?

Histoire n°3

« Excepté quelques cas pathologiques graves, les gens deviennent fous quand ils essaient d’échapper à la routine » , Paulo Coelho.

 

La vie et la nature se trouvaient sur une terre depuis l’aube d’un millénaire,
mais tout semblait être bouleversé.

Les ressources et les survivants diminuaient lorsque nous nous rapprochions de la fin,
la fin du monde.

Tout commença lorsque la frontière entre le vivant et le non-vivant s’effondra.
Cet effondrement provoqua une déchéance fulgurante dans le monde des vivants.
C’était le début de l’apparition de l’enfer sur une terre apocalyptique remplie d’affliction.

 

Les habitants criaient de désespoir : il n’y avait plus de lumière dans le ciel et dans leurs vies,
et une puissance dévastatrice conduisait la vie, la nature et le monde dans le néant obscur :
la fin du monde. L’atmosphère était noire. Le sol tremblait sous les pas des gens.

Les bâtiments et les routes des villes chutaient dans une brume chaotique.
Il y avait quelques habitants cachés qui tentaient de substituer dans et entre les ruines, loin
des démons et forces maléfiques psychiques qui empoisonnaient l’esprit du vivant, vers le
non-vivant : la fin du monde.

 

Il y avait une fiction dans une demeure campagnarde, au-delà de nulle part ailleurs, dans
une grotte pour se protéger de cette fin du monde.
Deux personnages, un homme et une femme, vivaient une situation ordinaire dans la paix
et l’amour, sachant pertinemment que le dernier jour du reste de leurs vies pouvait bientôt
arriver. L’espèce humaine disparaissait jour après jour de plus en plus sur cette planète.
La nature sombrait elle aussi dans l’enfer petit à petit, comme un chemin avançant vers
le précipice de la mort. L’extinction était proche et palpable.

 

Cet homme se nommait Monsieur B et cette femme, Madame Y. Ils vivaient au rythme de
leurs journées en créant des situations communes, banales et tristes.
Dans un premier temps, lorsque le soleil sanglant de la fin du monde se levait,
ils se réveillaient dans leur pièce ensemble. C’était une demeure constituée d’une grande pièce seulement.

Il y avait le lit, le coin repas, les toilettes et un coin pour se laver avec l’eau de la grotte, récoltée au fur et à mesure.
La journée commençait toujours par se mettre debout vers 8 heures du matin.

C’était le temps de l’éveil en pleine conscience.
Chaque jour, ils pensaient comprendre que la fin du monde était proche à l’extérieure
de leur demeure camouflée dans cette grotte sur une carte qui n’existait pas.

L’éveil était suivi de l’appréhension.
Cette appréhension concernait la crainte de la
souffrance morale.
Monsieur B et Madame Y essayaient de repousser leurs peurs, angoisses et négativités
en communiquant par amour et affection envers eux-mêmes.
La peur de mourir et de souffrir était bien présente dans leurs cérémonies,
car il s’agissait d’un rituel où chacun s’amusait à jouer un personnage loufoque pour se démunir de leurs tracasseries.

Monsieur B et Madame Y poussaient de nombreux bruits bizarres dès leur réveil.
On pouvait nommer cela « le hurletement ».
La continuité de leur matinée se faisait délicatement et paisiblement : vers 9 h,
ils riaient en se chatouillant dans un paradis de rire et de câlins.
Vers 10h commençait la phase de la « burlitementation ».
Des dialogues de cris étaient censés allumer la flamme qui brûlait entre ces deux êtres.
Cela permettait de cultiver une bonne santé mentale.
A 12h, venait le déjeuner de B et Y. Ils fabriquaient leurs repas dans une petite machine se trouvant au pied de leur porte.
La recette était toujours la même et ils dévoraient leur repas en y ajoutant des graines reproductibles qu’ils ramassaient dans la cheminée de leur maison. Lors du début de l’après-midi, vers 13h,
ils commençaient par faire une sieste pour cultiver la digestion et la rêverie.
Il n’était pas rare de voir Monsieur B et Madame Y murmurer en dormant.
C’était le signe d’un bon rêve profond, cultivateur d’imagination et de délire optimiste.
La digestion était lente et longue car la transformation des aliments dans l’appareil digestif
était difficile en raison de la quantité d’aliments ingurgités dans l’organisme.
A 15h venait le moment du chagrin mélancolique où ils déversaient leurs larmes en puisant
dans leur tristesse et malheur.
Il y avait ensuite des occupations obsessionnelles qui occupaient leur temps et le reste de leur après-midi.
Vers 19 h, lorsque l’aube apparaissait, c’était le temps du dîner. Ils buvaient une soupe de chagrin.
Et à 20h, ils se couchaient dans leurs lits de coton après avoir passé une journée bien mouvementée.


Un jour Madame Y raconta à Monsieur B une histoire sur la fin, la mort de leurs âmes.
Cette histoire bouleversa l’imagination de Monsieur B.
C’était une histoire triste dans une langue inconnue.
Il y avait de la violence et de la haine qui le choquèrent.
Il ne comprit pas totalement le sens de cette histoire mais fut marqué par les images
démoniaques qu’elle provoquait en la racontant.
Ce fut comme une sorte de signe magique et maléfique qui provoquait de l’emprise psychologique sur son esprit fragile.
Cela entraîna une modification de la journée morale de Monsieur B et cela impacta Madame
Y aussi, car elle ne pouvait rester seule et équilibrée sans Monsieur B.
La journée fut modifiée par cet événement. Cette modification supprima la burlitementation
qui avait lieu à 10 h.
A 15 h le chagrin mélancolique ne déversait plus assez de larmes par manque de malheur.
Il n’y avait plus assez de tristesse au fond de leur cœur. L’histoire racontée les avait rendus
plus joyeux car ils tentaient de survivre.
Pourquoi fallait-il disparaître un beau jour ?
Pourquoi la fin du monde arriverait-elle bientôt ?
Comment cela se terminerait – il dans le bouleversement de leur histoire ?


Madame Y proposa de s’occuper l’esprit en créant son travail : une activité productive de mots organisée en vue de combler la lassitude d’une journée type. Le temps qui vient et celui qui passe dans la journée de Monsieur B et Madame Y prenait son sens dans le fait de construire et déconstruire leur journée existentielle. La réalité devait disparaître pour s’éteindre dans les mots. La journée type était donc modifiée. De ce fait, la journée était réorganisée en plusieurs postes de production, à de nouveaux horaires. Cela commença à 7 h cette fois-ci et non à 8 h. On produisait de la pensée, de la créativité,
de l’imagination, et de la finitude spatiale et temporelle, avec les mots.

Monsieur B et Madame Y définissaient la finitude comme une limitation d’eux-mêmes par leur conscience.
Il fallait induire dans la finitude le sens de comment se projeter et lutter contre la fin du monde de Monsieur B et Madame Y.


Ce fut une absurdité hilarante.
La force et la volonté de survivre les poussèrent à vivre délicatement le désir de leur moitié :
la compréhension de leur existence, de leur mal-être, de leur souffrance et de leur tourment.


Il était temps de terminer l’histoire car la fin en était la finalité.
Monsieur B et Madame Y étaient arrivés à la fin en écrivant leurs propres histoires.
La production vers la fin de leurs journées types était des mots d’actions finis :
cérémonies, rituels, rires et chatouillements, dialogues de cris, déjeuner, sieste et dormir,
pleurs, dîner et coucher…


Qu’y a-t-il après ?
La dernière finitude du reste : la disparition de leurs corps et de leur conscience par les
mots : la mort.


Ils ne trouvèrent pas de sens logique et d’échappatoire puis s’endormirent pour toujours.
La vie et la nature disparurent.
De ce fait, la fin du monde arriva brusquement et délicatement dans le monde de l’existence
du vivant et du non-vivant.


Le néant obscur fit son apparition.
Le ciel se volatilisa pour laisser place à une multitude de trous noirs spécifiques.
Les mots n’existaient plus que dans un état magique.
La vitalité de l’esprit créateur créa du manque puis du vide.


L’espoir et l’amour terminèrent la fiction sans résolution.
La grotte s’éclipsa dans l’imagination.
L’homme et la femme se volatilisèrent dans leur exaltation.

© Geoffroy Korn Le Bars. Tous droits réservés. Cette histoire ne peut être reproduite, distribuée, ou utilisée de quelque manière que ce soit sans l’autorisation écrite de l’auteur.